Situation de la magistrature en Roumanie

 

Par les réformes législatives adoptées dans les deux dernières années,  ignorant les avis de la Commission de Vénice et les rapports de la Commission Européenne corroborées avec l’incapacité du Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir réellement l’indépendance de la justice, les juges et les procureurs étant soumis à des assauts continus, Roumanie s’éloigne visiblement des exigences de l’État de droit. Une telle situation tend à se répandre dans l’Europe entière mettant en quarantaine des dizaines d’années de dialogue et de progrès démocratiques paraissant irréversibles. En telles conditions, la Commission Européenne ne peut pas rester en passivité, le sort de l’État de droit en Roumanie étant son obligation au but d’éliminer le manquement à l’art. 2, art. 4, § 3 et l’art 19 § (1) le second paragraphe du Traité sur l’Union Européenne, par rapport à l’art. 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Tout retard déterminera des dommages irréparables affectant les droits et les libertés de chaque citoyen européen.

 

  1. Situation des modifications législatives visant le système judiciaire de Roumanie

1.1. Introduction

Au cours des années 2017-2018, en Roumanie, le Parlement a adopté trois modifications faites aux lois génériquement nommées « de la justice », à savoir la Loi no 303/2004 republiée sur le statut des juges et des procureurs, la Loi no 304/2004 republiée sur l’organisation judiciaire et la Loi no 317/2004 sur le Conseil Supérieur de la Magistrature, toutes republiées, ensuite modifiées et complétées.

Une part considérable de ces modifications, critiquées durement par la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe (la Commission de Vénice) ou GRECO, déjà en vigueur,[1] sont extrêmement nocives pour la magistrature, étant nécessaire à être reportée ou suspendue l’application desdites dispositions jusqu’à la date de leur révision totale ou, le cas échéant, de l’abrogation de ces dispositions-là qui sont en vigueur.[2]

Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif de Roumanie doit tenir compte, en principe, immédiatement de l’Avis émis le 20 octobre 2018 par la Commission de Vénice pour éviter la destruction de la magistrature. C’est éclaircissant pour le respect des standards de l’État de droit en Roumanie, en bien d’aspects sur les modifications apportées aux lois de la justice et ne peut pas ignorer à l’infini, les évolutions publiques récentes mettant en grave péril l’indépendance de la justice et le parcours de l’État roumain au sein de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe, tel que la Commission Européenne et GRECO[3] ont constaté antérieurement aussi.

 

1.2. Critiques ponctuelles concernant les amendements aux trois lois

  • Conformément à l’Avis de la Commission de Vénice du 20 octobre 2018, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif de Roumanie ont l’obligation de repenser immédiatement le système de nomination/révocation des procureurs en fonctions de direction à haut niveau, en vue d’assurer les conditions pour un procès de nomination/révocation neutre et objectif en maintenant le rôle de certaines autorités, ainsi que le Président et le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) en mesure de contrebalancer l’influence du Ministre de la Justice. Madame Laura Codruta Kovesi a été révoquée dans la fonction de procureur en chef de la Direction Nationale Anti-corruption par le Décret no 526/2018 émis par le Président de Roumanie, à la suite de la Décision no 358 du 30 mai 2018 de la Cour Constitutionnelle. Autant qu’un procureur en chef peut être révoqué à l’appréciation discrétionnaire d’un homme politique, soit qu’il est ministre de la justice, on ne peut plus parler d’indépendance étant créé une influence politique excessive. Conformément à l’Annexe IX au Traité concernant l’adhésion de la République de Bulgarie et de Roumanie à l’Union Européenne, Roumanie s’est obligée à assurer l’indépendance effective de la Direction Nationale Anticorruption, fait nier par la révocation des procureurs en chef de cette unité de parquet étant à la discrétion du Ministre de la Justice.

La Commission de Vénice a suggéré aussi que, dans le contexte d’une réforme plus ample, le principe de l’indépendance soit ajouté à la liste des principes gouvernant l’activité des procureurs.[4]

  • Il faut être éliminées les limites proposées sur la liberté d’expression des juges et des procureurs et réviser les dispositions sur la responsabilité matérielle des magistrats, modifiant le mécanisme de déroulement de l’action en régression.

Par l’Avis no 934 du 20 octobre 2018, la Commission de Vénice sur la liberté d’expression des magistrats a retenu que ”(…) la nouvelle obligation imposée aux juges et aux procureurs roumains semble au mieux superflu et au pire dangereuse. Il est évident que les juges doivent s’abstenir de toute déclaration diffamatoire, non seulement à l’égard des pouvoirs de l’État, mais également à l’égard de toute autre personne. Il ne semble pas nécessaire de le préciser dans la loi. 130. Au contraire, une telle mesure paraît dangereuse, car d’une part, la notion de diffamation n’est pas définie clairement et d’autre part, l’obligation en question concerne spécifiquement les autres pouvoirs de l’État51. Cela peut donner lieu à des interprétations subjectives : qu’entend-on par « manifestation ou propos diffamatoires » s’agissant d’un membre du système judiciaire « dans l’exercice de ses fonctions » ? Quels sont les critères d’appréciation d’un tel comportement ? Quel sens donner à la notion de « pouvoir » aux fins de cette interdiction ? Fait-elle référence à des personnes ou à des institutions publiques ? Quel est l’impact de la nouvelle obligation faite au CSM de défendre les juges et les procureurs, par des déclarations publiques, contre toute pression injustifiée d’autres instances de l’État ?”

Le législateur n’a pas accompli son obligation fixée par la Cour Constitutionnelle d’identifier et règlementer celles manquements aux normes de droit matériel ou processuel se rapportant à la notion d’erreur judiciaire, au sens des considérations de la Décision no 252/2018, mais a maintenu une définition générale de principe de l’erreur judiciaire, renvoyant à d’autres règlementations nécessaires pour compléter cette définition.

Même si, à la suite de la concertation de la loi avec la Décision no 45/2018, le législateur a règlementé une procédure par laquelle on ne déclenche pas automatiquement l’action récursoire – mentionnant que le déclenchement de l’action récursoire se réalise après la transmission d’un rapport consultatif de l’Inspection Judiciaire et après « une évaluation propre » du Ministère des Finances Publiques – l’omission de la règlementation par loi d’une procédure claire par laquelle on réalise cette « évaluation propre » est de nature à créer imprédictibilité dans l’application de la norme.

Cela est mis en relief aussi dans l’Avis de la Commission de Vénice montrant qu’on n’a pas prévu des critères pour la réalisation de l’évaluation propre au Ministère des Finances Publiques, organe de l’administration publiques centrale et qu’une telle institution extérieure au système judiciaire ne représente pas la meilleure solution concernant son inclusion dans cette procédure, cela ne pouvant pas avoir un rôle dans l’évaluation de l’existence ou des causes des erreurs judiciaires. On pourrait les établir par la procédure disciplinaire.

  • Il est nécessaire que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif annulent la constitution d’une structure de parquet séparée pour l’investigation des infractions commises par les juges et les procureurs.

Le Parlement roumain a créé la Section pour l’Investigation des Infractions de Justice, au sein du Parquet près de la Haute Cour de Cassation et de Justice, qui permettra de rediriger de dizaines de dossiers de grande corruption devant la Direction Nationale Anticorruption, par la simple formulation de certaines plaintes fictives contre un magistrat, éliminant purement et simplement une part considérable de l’activité de la Direction Nationale Anticorruption, appréciée constamment par les rapports MCV.[5]

Malgré que par la Décision no 33/2018, la Cour Constitutionnelle a rejeté comme mal fondées les critiques de non-constitutionalité concernant les effets que l’institution de cette nouvelle structure de parquet génère sur les compétence d’autres structures déjà existantes, la règlementations de certaines normes tenant du statut du procureur, la création d’un régime discriminatoire, non-fondé sur des critères objectifs et rationnels, la façon de règlementation de l’institution du procureur en chef de cette section ou la compétence du procureur général du Parquet près de la Haute Cour de Cassation et de Justice de résoudre les conflits de compétence issus entre les structures du Ministère Public, cependant, par l’Avis du 20 octobre 2018, la Commission de Vénice a suggéré la reprise en compte de la constitution d’une section spéciale pour l’investigation des magistrats.

Comme alternative, on a proposé l’utilisation de certains procureurs spécialisés, simultanément avec des mesures de sauvegarde procédurale efficiente). La Commission de Vénice a établi que « L’utilisation des procureurs spécialisés en cas pareils [corruption, blanchissement d’argent, trafic d’influence etc.] a été employés avec du succès. Les infractions visées sont spécialisées et peuvent être mieux investiguées et poursuivies par personnel spécialisé. En plus, l’investigation de ces infractions précise très souvent des personnes à expérience spéciale en domaines très spécifiques. À conditions que les actes du procureur spécialisé fassent l’objet d’un contrôle judiciaire adéquat, on apporte bien de bénéfices et il n’y a pas des objections générales face à un système semblable. » – CDL-AD (2014)041, Avis intérimaire concernant le projet de loi sur le bureau spécial du Ministère public du Monténégro, adopté par la Commission de Venise à sa 101ème session plénière (Venise, 12-13 décembre 2014), § 17, 18 et 23.[6]

Par le Rapport ad hoc sur la Roumanie (Règle 34) adopté par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO), à la 79ème Assemblée Plénière (Strasbourg, le 19-23 mars 2018), on a indiqué le fait que la section semblait comme « une anomalie dans la structure institutionnelle actuelle, spécialement dû (i) au fait qu’il n’y avait pas de données ou d’évaluations spécifiques prouvant l’existence de certains problèmes structurels dans la justice justifiant une telle initiative ; (ii) à cause de la façon dont on a désigné la direction et (iii) du fait que cette section n’aurait pas à sa disposition des investigateurs et des instruments d’investigation adéquats, à la différence d’autres organes de poursuite pénale spécialisés. On a mis en relief également le fait que cet organisme serait surchargé immédiatement grâce aux projets de dispositions prévoyant le transfert immédiat de plusieurs affaires d’autres parquets, tandis que le petit nombre de personnel n’en est pas adéquat pour la résolution (15 en total conformément au projet de loi). Plus que ça, cette nouvelle section suivra les infractions même si d’autres personnes sont impliquées avec les magistrats (par exemple, des fonctionnaires publiques, du personnel officiel choisi, des hommes d’affaires etc.), conformément à la formulation des amendements proposés à l’article 881 § 11 de la Loi no 304/2004. Tout cela pourrait conduire à des conflits de compétence avec les parquets spécialisés existants (DNA, DIICOT, les parquets militaires), même si les autorités rappellent que de conflits pareils sont normalement résolus par le Procureur Général. Plus important, il y a aussi des craintes que cette section puisse être facilement utilisée, abusivement pour éliminer les affaires traitées aux parquets spécialisés ou pour interférer dans les affaires importantes, sensibles au cas où les réclamations contre un magistrat ont été présentées accidentellement dans cette affaire-là, parce qu’elle entrerait automatiquement dans la compétence de la nouvelle section (situation dans laquelle il faudrait prendre une décision de disjonction de l’affaire conformément aux normes générales de procédure pénale dans la matière de la connexion / disjonction des affaires, pour que celle-ci reste aux procureurs initialement compétents). »

  • Le législateur de Roumanie devrait renoncer aux dispositions prévoyant le doublement de la période de formation au sein de l’Institut National de la Magistrature (à quatre ans, vu qu’il y a deux ans à présent).

Dans l’opinion de la Commission de Vénice, publiée le 20 octobre 2018, le doublement de la période de formation au sein de l’Institut National de la Magistrature combinée avec d’autres modifications (ainsi que le changement de la composition des formations de jugement, la retraite anticipée etc.) peut affecter sérieusement « l’efficience et la qualité de l’acte de justice ». En plus, le blocage institutionnel pouvant être généré par les prévisions rappelées affecte même la mise en œuvre de la justice et son indépendance, tant dans la composition institutionnelle concernant le bon fonctionnement du système judiciaire et dans la composition personnelle concernant l’indépendance du juge.

  • Par les nouvelles dispositions, la méritocratie sera éliminée dans la magistrature, par exemple, la promotion effective aux juridictions et parquets supérieurs suivant à se faire en base de certains critères subjectifs, à savoir « l’évaluation de l’activité et de la conduite dans les dernières 3 années », à la Haute Cour de Cassation et de Justice étant doublée par un interview formel soutenu devant le Conseil Supérieur de la Magistrature en assemblée plénière, en éliminant les preuves écrites à caractère théorique et/ou pratique et s’instituant un système de contrôle évident des promotions. On a éliminé la preuve écrite au sein du concours pour la promotion dans la charge de juge à la Haute Cour de Cassation et de Justice.

Maintenir seulement la preuve de l’interview pour les candidats, on relativise les standards professionnels ayant d’effet sur la qualité de l’activité des juges de la juridiction suprême et on augmente la dose de subjectivisme. De l’autre part, l’objet de l’interview, tel qu’il est prévu par l’art. 524 § (1) de la Loi no 303/2004, est identique à celui des vérifications effectuées par l’Inspection Judiciaire dans la procédure prévue par le Règlement sur la promotion dans les fonctions de juge à la Haute Cour de Cassation et de Justice. En d’autres termes, toutes les données formant l’objet de l’entrevue se trouvent dans le rapport rédigé par les inspecteurs judiciaires à l’occasion des vérifications ayant justement cet objet : l’intégrité des candidats et la façon dont les candidats se rapportent à valeurs, tels que l’indépendance de la justice et l’impartialité des juges, la motivation et les compétences humaines et sociales de ceux-ci.

L’iniquité dans la réglementation des procédures de promotion aux juridictions supérieures est d’autant plus évidente que le degré d’exigence professionnelle doit être directement proportionnel avec la hiérarchie des juridictions dans le système judiciaire roumain, étant nécessaire qu’à la juridiction suprême déroulent leur activité des juges ayant prouvé qu’ils détiennent des connaissances théoriques et pratiques approfondies dans la spécialisation pour laquelle ils présentent leur candidature.

            Par ces dispositions, on désobéit de manière flagrante aussi aux actes internationaux consacrant les principes fondamentaux sur l’indépendance des juges – l’importance de la sélection, de la formation et de la conduite professionnelle de ceux-ci, à savoir des standards objectifs s’imposant à être respectés à l’entrée dans la profession de magistrat, et à l’institution des modalités de promotion.

Le Comité de Ministres du Conseil de l’Europe a recommandé constamment aux gouvernements des États membres à adopter ou consolider toutes les mesures nécessaires pour la promotion du rôle des juges, individuellement, mais aussi de la magistrature en ensemble, pour la promotion de l’indépendance de ceux-ci, appliquant spécialement les principes suivantes : « (…) toute décision concernant la carrière professionnelle des juges doit se baser sur des critères objectifs, la sélection et la promotion des juges doit se faire selon leurs mérites et selon leur formation professionnelle, intégrité, compétence et efficience » (voire le Comité des Ministres au sein du Conseil de l’Europe, la Recommandation no 94/12 du 13 octobre 1994 sur l’indépendance, l’efficience et le rôle des juges).

Tous les « critères objectifs » cherchant à garantir que la sélection et la carrière des juges se basent sur des mérites, vu la formation professionnelle, l’intégrité, la capacité et l’efficience » ne peuvent pas être définis qu’en termes généraux. On suit d’abord l’octroi d’un contenu aux aspirations générales à « la nomination sur la base de mérite » et « objectivisme », l’alignement de la théorie à la réalité. Les standards objectifs s’imposent non seulement pour exclure les influences politiques, mais aussi pour prévenir le risque de l’apparition du favoritisme, du conservatisme et du « népotisme » existant dans la mesure où les nominations sont faites dans une manière non-structurée. Bien que l’expérience professionnelle adéquate soit une condition importante pour promotion, l’ancienneté, dans le monde moderne, n’est pas plus généralement acceptée comme principe dominant de détermination de la promotion.

Par le Rapport ad hoc sur la Roumanie (la Règle 34) adopté par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO), à la 79ème Assemblée Plénière (Strasbourg, le 19-23 mars 2018), on a retenu les suivants : « 31. Les modifications proposées contiennent en continuation une proportion de subjectivité dans le procès de sélection et de prise des décisions sur les promotions prévoyant une procédure de promotion en deux étapes, la dernière étape consistant dans une évaluation du travail et du comportement de la dernière période. Les amendements prévoient aussi dans la charge du CSM l’élaboration et l’adoption de normes sur la procédure d’organisation de ces évaluations, y compris les nominations à la commission responsable et les aspects particuliers devant être évalués. GRECO a entendu des craintes concernant le fait que ce nouveau système laisserait plus d’espace pour les influences personnelles ou politiques dans les décisions concernant la carrière pouvant avoir de l’impact sur la neutralité et l’intégrité du système judiciaire et qu’il serait ainsi essentiel que le CSM élabore des normes adéquates pour prévenir ainsi des risques, y compris des critères clairs et objectifs pour guider les futures décisions de la commission de sélection. 32. À cause des risques et des incertitudes mentionnées ci-dessus, GRECO recommande (i) l’analyse adéquate de l’impact des modifications sur la future structure de personnel des juridictions et des parquets pour être adoptées les mesures transitoires nécessaires et (ii) le règlement d’application suivant à être adopté par le CSM sur la promotion des juges et des procureurs pour règlementer des critères adéquats, objectifs et clairs tenant compte des qualifications et des mérites réels de ceux-ci. »

  • La retraite des juges ou des procureurs roumains sera possible à des âges de 42-43 ans.

La modification introduit la possibilité qu’à partir le 1er janvier 2020, cette retraite des juges ou des procureurs ayant entre 20 et 25 ans d’ancienneté dans la magistrature puisse se réaliser même avant l’accomplissement de l’âge de 60 ans. Une retraite massive parmi les magistrats[7] conduit automatiquement à une surcharge des juridictions et à de blocages réels du fonctionnement du système judiciaire. Comme tel, les règlements visés ont un impact direct sur l’exercice du droit fondamental de l’accès à la justice et au droit des citoyens à la résolution des affaires dans un délai raisonnable étant contraires à l’art. 21 de la Constitution de Roumanie (retards dans la résolution des dossiers par la nécessité de faire rejuger les affaires, suite à la cessation de l’activité de certaines juges devant lesquels on a administré directement des preuves ou ayant participé à la recherche juridictionnelle ou à des débats, le rejet des affaires suite à l’accomplissement des délais de prescription etc.).

Dans l’opinion de la Commission de Vénice, une telle modification représente un péril réel pour la continuation de la consolidation de la lutte anti-corruption en Roumanie. Le montant de la retraite calculée pour les juges et les procureurs retraités dépasse à présent le montant de l’indemnisation reçue par les juges et les procureurs en service avec jusqu’à 30%, grâce à des dispositions fiscales plus favorables.

  • L’introduction des formations de jugement de trois juges (au lieu de deux juges) pour la résolution des appellations, à savoir, des formations de deux juges pour le jugement des contestations contre les arrêts rendues par les juges de droits et de libertés et les juges de l’audience préliminaire des cours d’appel a un impact direct sur le bon fonctionnement des juridictions et du degré de chargement de ceux-ci et présuppose une diminution importante du temps alloué aux juges pour la motivation des arrêts, dans les conditions où le nombre de juges de ces juridictions reste le même, ce qui indirectement affecte la résolution des affaires dans un délai raisonnable. En plus, à défaut d’une étude d’impact sur l’effet d’une telle disposition sur les ressources humaines des juridictions et sur la résolution des affaires dans un délai raisonnable et surtout sur le degré de chargement des juridictions, la solution législative induit un risque de blocage auquel sont soumises les juridictions.
  • On modifie le rôle et les attributions établies par la Constitution pour le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) comme organisme collégial, bien que le réarrangement des rôles et des attributions entre le CSM en assemblée plénière et les Sections du CSM conduit à l’affectation du rôle constitutionnel du CSM et au dépassement des attributions constitutionnelles spécifiques aux Sections, contrairement à l’art. 125 § (2), l’art. 133 § (1), ainsi qu’à l’art. 134 § (2) et (4) de la Constitution de Roumanie. Si on acceptait la possibilité que les attributions du Conseil Supérieur de la Magistrature en assemblée plénière, à savoir du Conseil Supérieur de la Magistrature comme organe collectif et représentatif, soient distribuées aux deux sections du Conseil Supérieur de la Magistrature, signifierait que deux structures de type le Conseil Supérieur de la Magistrature fonctionneraient de facto – une pour juge et l’autre pour procureurs. D’une part, cette solution législative nie le rôle constitutionnel établi par le législateur constituant pour le Conseil Supérieur de la Magistrature comme unique autorité constitutionnelle représentative pour les magistrats et, de l’autre part, conduirait à l’accentuation significative du « corporatisme » décisionnel des sections, aspect qui affecterait non seulement l’indépendance de la justice, mais aussi le principe constitutionnel de la coopération loyale au sein de l’autorité juridictionnelle, cette coopération loyale résultant du fait que les décisions concernent l’indépendance de l’autorité juridictionnelle, excepté celles en matière disciplinaire, se prennent dans l’Assemblée plénière avec la participation des représentants des magistrats, mais aussi des représentants des institutions à des attributions significatives au sein et sur l’autorité juridictionnelle (le président de la Haute Cour de Cassation et de Justice, le procureur général du Parquet près la Haute Cour de Cassation et de Justice et le ministre de la justice). Le législateur constituant a institué une autorité constitutionnelle dans la sphère de l’autorité juridictionnelle exerçant collectivement, dans son ensemble, une large série d’attributions constitutionnelles et légales, tandis que les sections exercent seulement celles attributions que la Constitution a attribuées à celles-ci, ainsi que d’autres attributions de nature légale, mais étant en étreinte liaison avec le rôle constitutionnel prévu par l’art. 134 § (2) de la Constitution. En d’autres systèmes constitutionnels, où le constituant a intentionné de marquer une distinction claire entre le corps professionnel des juges et le corps professionnel des procureurs, ont été constituées même par la Loi fondamentale des conseils judiciaires distincts. En France ou Belgique, des modèles constitutionnels traditionnels et pour Roumanie, les présidents des juridictions suprêmes se sont prononcés les dernières années pour l’unité de la magistrature au sein du même conseil.[8]

Même si l’appréciation de la Commission de Vénice converge vers la séparation des carrières dans la magistrature, la seule forme par laquelle on peut effectuer la séparation stricte des carrières des juges et des procureurs sans le risque de la déclaration de la non-constitutionnalité d’une telle modification, est représentée par une révision constitutionnelle.

D’ailleurs, les membres représentants de la société civile sont exclus de la grande majorité des décisions, surtout vu la nouvelle distribution des attributions entre les sections, bien que le Conseil Supérieur de la Magistrature soit un organe collectif devant fonctionner comme règle et non comme exception dans la composition de tous ses membres.

            Le 15 octobre 2018, le Gouvernement de Roumanie a émis l’Ordonnance d’Urgence du Gouvernement no 92/2018 pour la modification et le complément de certains actes normatifs dans le domaine de la justice,[9] par laquelle on a règlementé la participation des représentants de la société civile ayant de droit de voire aux travaux Conseil Supérieur de la Magistrature en assemblée plénière, mais la disposition doit être corrélée avec la redéfinition des attributions des sections pour les juges et les procureurs ayant repris la quasi-totalité des compétences de l’assemblée plénière, ainsi que cette participation sera plutôt symbolique. D’ailleurs, apparemment pour respecter l’Avis de la Commission de Vénice, on a éliminé la solution législative concernant la révocation de la fonction de membre choisi du Conseil Supérieur de la Magistrature lorsqu’on retire la confiance à la personne visée par la plupart des juges ou des procureurs, le cas échéant, fonctionnant effectivement aux juridictions ou parquets que celle-ci représente. Pour révocation, il est nécessaire cependant une sorte de probatio diabolica, fait qui déterminerait l’impossibilité de l’utilisation de la procédure, parce qu’elle lie toute tentative de révocation de la constatation par la section adéquate du Conseil Supérieur de la Magistrature sur la base du rapport élaboré par l’Inspection Judiciaire, du fait que la personne visée n’a pas accompli ou a accomplis de façon inadéquate, gravement, de façon répétée et sans justification, ses attributions prévues par la loi.

  • La réorganisation de l’Inspection Judiciaire consoliderait de manière injustifiée les attributions de l’inspecteur en chef qui désignerait des inspecteurs judiciaires ceux qui occuperaient les fonctions de direction (à la suite d’une simple évaluation des projets de gestion spécifiques à chaque poste de direction), contrôlant pratiquement la sélection des inspecteurs judiciaires, conduisant et contrôlant l’activité d’inspection et celle d’investigation disciplinaire, serait ordonnateur principal de crédits et le seul titulaire de l’action disciplinaire. Toutes ces modifications représentent des aspects indiquant une relativisation des standards professionnels imposés à la direction de l’Inspection Judiciaire avec la conséquence de l’élimination de son indépendance opérationnelle. Cette tendance génère des effets négatifs sur la qualité de l’activité de l’Inspection Judiciaire dans le domaine de la responsabilité des magistrats et sur la voie de conséquence, elle est de nature à mettre en péril l’indépendance de la justice et même le rôle constitutionnel du Conseil Supérieur de la Magistrature de garant de l’indépendance de la justice. L’institution par la loi d’une disposition promouvant, d’une part, le subjectivisme de l’inspecteur en chef dans la nomination de la direction de l’Inspection Judiciaire et, d’autre part, instituant une dépendance totale de tous les mandats de direction au sein de l’Inspection du mandat de l’inspecteur en chef constitue un manquement au principe de l’assurance de la sécurité des rapports juridiques dans l’exercice des mandants de direction par lesdits inspecteurs judiciaires.

 

  1. L’activité du Conseil Supérieur de la Magistrature sur la défense de l’indépendance, l’impartialité ou la réputation professionnelle des juges ou procureurs roumains

Concernant strictement cette activité, le Rapport de la Commission vers le Parlement Européen et le Conseil sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification du 13 novembre 2018 et le Rapport technique afférent remarquaient les suivants :

« Le Conseil Supérieur de la Magistrature n’a pas été en mesure d’agir comme un facteur effectif de contrôle et équilibre pour défendre l’indépendance des institutions judiciaires soumises aux pressions, un rôle constitutionnel important, mis en relief dans le rapport du janvier 2017. Les sections du Conseil Supérieur de la Magistrature (…) ont fait de plus en plus difficile, pour le Conseil Supérieur de la Magistrature, d’être efficace en tant que haut-parleur du système judiciaire – spécialement lorsqu’il est consulté sur la législation – et en tant qu’administrateur du système judiciaire. Même lorsque le Conseil Supérieur de la Magistrature a présenté un avis unanime, celui-ci a été ignoré dans les affaires importantes. Bien que dans l’année 2018, les institutions judiciaires et certains juges et procureurs aient fait l’objet de certaines critiques particulièrement dures venant des représentants du Gouvernement et du Parlement, le Conseil a manifesté sa réticence sur l’adoption de décisions ex officio comme réponse aux attaques à l’adresse de l’indépendance du système judiciaire. Cela attire après soi le risque que les magistrats soient découragés à accomplir leur rôle leur revenant comme entité de l’État concernant l’expression des opinions sur les aspects pertinents pour le système judiciaire. (…) Par exemple, à la suite des déclarations du premier-ministre, du président du Senat et du président de la Chambre des Députés à l’occasion d’un rassemblement contre les abus du système de justice du 9 juin 2018, le CSM en assemblée plénière a adopté un arrêt seulement à la suite d’une saisine du Forum des Juges de Roumanie. Du novembre 2017, le CSM a adopté quatre arrêts dans la défense de l’indépendance du système judiciaire et quatre arrêts dans la défense de la réputation professionnelle, de l’indépendance et de l’impartialité des magistrats. D’un total de 34 arrêts (6 sollicitations de défense de l’indépendance du système judiciaire ont été rejetées et 20 sollicitations de défense de la réputation professionnelle, de l’indépendance et de l’impartialité des magistrats ont été rejetés). »

Le point de vue de la Commission Européenne n’est pas du tout sans ressources ou motivations, au contraire.

Dans la période 2017-2019, les saisines d’office ont été sublimes, mais ils ont manqué presque complètement, bien que plusieurs membres de l’actuel CSM eussent promis un rôle actif dans la défense du corps des magistrats contre les actes de nature à porter atteinte à l’indépendance, l’impartialité ou à la réputation professionnelle de ceux-ci.[10]

La section pour procureurs s’est saisie d’office dans l’affaire faisant l’objet de l’Arrêt de l’Assemblée plénière no1139/31.10.2017, par lequel in avait disposé la défense de la réputation professionnelle du procureur Elena Radulescu, inspecteur judicaire à l’Inspection Judiciaire par rapport aux affirmations irréelles faites au sein des émissions « Synthèse du jour » (TV Antena 3) du 05.09.2017 et 06.09.2017 sur l’activité déroulée par le procureur, concernant Lele Alexandru Florian, ancien procureur. On a retenu que dans l’émission télévisée, on a produit une désinformation étant le résultat du manque de certaines minimes vérifications concernant le sujet soumis au débat.

Le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature (Mariana Ghena) a doublé la demande de la Direction Nationale Anticorruption ayant conduit à l’adoption de l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 500/25.04.2017, par laquelle on a constaté l’affectation du prestige et de l’indépendance du système judiciaire par rapport aux affirmations du député Sebastian Ghita d’émissions de Romania TV (28.12.2016-05.01.2017, 13.01.2017, 16.01.2017): «La DNA (La Direction Nationale Anticorruption) est l’instrument utilisé par les personnalités actuelles et par les intérêts étrangers pour effondre le vote des Roumains. (…) Lorsqu’il y a un intérêt contre quelqu’un en Roumanie, immédiatement apparaissent des dénonciateurs bienveillants sachant, mentant, interprétant les choses d’une certaine manière, favorable au procureur. (…) Des milliers, peut-être des centaines de milliers de Roumains ont commencé à souffrir et à être assignés en justice en dossiers sans véridicité faits avec des preuves fausses et ne reflétant pas la réalité. (…) À la demande de Madame Kovesi, une société de constructions de Ploiesti, ayant reçu d’argent d’Asesoft, a été celle qui a payé l’avion pour apporter Monsieur Nicolae Popa, l’ancien directeur de FNI, d’Indonésie. La réalité est qu’une société privée, à la demande de l’État roumain et de Madame Kovesi a payé 200.000 euros pour apporter celui ayant mis en faillite FNI. (…) Le pouvoir de Coldea sur les collègues et les autres institutions vient de sa relation d’exclusivité avec Kovesi. Laura Codruta Kovesi et Florian Coldea sont des officiers d’un service secret étranger d’un pays partenaire de Roumanie. C’est la raison pour laquelle Florian Coldea oblige le SRI à aider Kovesi au cours du plagiat avec CNADTCU, avec les commissions, avec quelconque, ainsi que Kovesi reste là en fonction. »

            Indépendamment, le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature (Lia Savonea) a saisi d’office seulement dans l’affaire où son propre nom a été mis publiquement en cause, associé à un ancien collègue et collaborateur principal de la Cour d’Appel de Bucarest, actuellement juge à ICCJ. Ainsi, par l’Arrêt de la Section pour juges no 475/14.03.3019 on a disposé la défense de la réputation professionnelle en retenant que l’expression « l’homme de Savonea » associé à l’un des membres de la formation de jugement, apporte une atteinte grave à l’impartialité, induisant l’idée parmi l’opinion publique qu’on ne peut pas garantir le déroulement d’un procès équitable et que le juge Daniel Gradinaru a exercé abusivement sa fonction, suggérant le manque d’impartialité de celui-ci. D’ailleurs, la connexion faite par le journaliste, appartenant au même registre sur le juge Simona Nenita, liant l’époux de celle-ci à une personne condamnée pour corruption.

Inexplicablement, dans une affaire dans laquelle on pouvait mettre en cause d’office la défense de la réputation professionnelle d’un procureur (Alexandra Carmen Lancrajan), par l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 366/27.03.2018, on a retenu que cet « aspect n’a pas été demandé ». La demande formulée par le procureur en chef DNA de ce temps-là, Laura Codruta Kovesi, visait la façon dont le média avait reflété les informations devenues publiques par le communiqué de presse no 1056/V111/3 du 13.11.2017 de la Direction Nationale Anticorruption, montrant que « ce type d’attaque médiatique, visant les magistrats et concernant une investigations pénale de la Direction Nationale Anticorruption en cours, ayant comme objet l’investigation de certaines infractions, représentait une forme d’immixtion dans l’activité des procureurs et était de nature à affecter l’indépendance du système judiciaire. »

On assiste aussi à l’implications étranges de certaines associations de magistrats dans le domaine (par exemple, l’Union Nationale des Juges de Roumanie et l’Association des Magistrats de Roumanie ont demandé la défense de l’indépendance du système judicaire envers les pressions prétendues que le procureur en chef de la DNA aurait exercé sur l’inspecteur judicaire Mihaiela Focica, bien que dans des cas flagrants de diffamation publique des magistrats et de lynchage médiatique extrême, la voix de ces associations ne s’est pas entendu. Par L’Arrêt de l’Assemblée plénière no 1471/19.12.2017, on a décidé le rejet de la demande, enregistrant que de la note de relations donnée dans l’affaire par le procureur Focica Mihaela, il résulte que celle-ci n’a pas perçu la conversation mené avec le procureur en chef de la Direction Nationale Anticorruption, Madame Kovesi Laura Codruta, comme une pression de nature à affecter son indépendance individuelle, mettant en relief qu’elle n’avait pas été menacée, intimidée et qu’on n’avait pas exercé de pressions sur elle par le procureur en chef de la Direction Nationale Anticorruption).

Les uniques demandes associatives admises ont été formulées par l’Association le Forum des Juges de Roumanie, celles-ci étant adoptées aussi par environ 2200 collègues magistrats.

Ainsi, par l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 779/04.07.2018, on a admis la demande de défense de l’indépendance du système judiciaire visant les attaques des hauts représentants du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, matérialisées dans les discours de certains dirigeants politiques du 9 juin 2018, à savoir le 10 juin 2018. La requérante a montré que la dureté du discours politique partant de la classification des magistrats au sein de certaines affirmations généralisatrices, comme « corrompus », « stalinistes », « sécuristes », « tortionnaires », culminant par la désignation absolument inacceptable de « rats », représente un dérapage extrêmement grave des principes de la démocratie et le « scénario » entier du rassemblement politique, « l’accessoire » utilisée et ainsi-dite « volonté du peuple » d’être évités « les élus » des moyens légales d’application de la responsabilité pénale, associés à la déclaration de « lutte dans la rue », « jusqu’au bout » forment l’image d’une menace grave à l’indépendance de la justice. L’assemblée plénière a apprécié que les affirmations de certains dirigeants politiques aient dépassées les limites de certaines critiques admissibles. Le soutien de l’utilisation de certaines pressions comme pratique généralisée de constitution des dossiers pénaux, inocule l’idée d’un système répressif de plano au niveau des organes de poursuite pénale. Les références aux « formations de jugement amicales » suggèrent le manque d’indépendance et impartialité des juges, étant accréditée l’idée de certaines solutions « commandées ».

Par l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 50/14.03.2019 on a disposé aussi l’admission de la demande de « défense de l’indépendance de l’autorité judiciaire dans son ensemble », la sollicitation dirigée à l’Association le Forum des Juges de Roumanie visant les affirmations du Président de la Chambre des Députés, Liviu Nicolae Dragnea, du 16 décembre 2018. L’Assemblée plénière CSM a retenu que, vu la qualité de président de la Chambre des Députés de l’homme politique visé, on imposerait l’utilisation par celui-ci d’un langage modéré, d’autant plus qu’une part des affaires et des investigations sont en cours de déroulement. La limite du langage politique utilisé a été certainement dépassée lorsqu’on avait suggéré l’idée que la justice était sélective ou devait restartée. L’auteur du discours n’exprime pas des jugements de valeur simples à l’adresse du système judiciaire, mais il fait des affirmations factuelles, concrètes, ne correspondant pas à la réalité à des affaires résolues définitivement ou en cours de résolution, l’existence de milliers de personnes condamnées, bien qu’innocentes, l’indication de certaines pratiques généralisées, d’abus prétendus des procureurs au cours des investigations, la description des arrêts comme étant le résultat de certains accords avec le procureur.

Malheureusement, les deux arrêts ont été émis avec des retards significatifs, bien que le contexte et la gravité du discours eussent réclamés une intervention rapide du Conseil Supérieur de la Magistrature, d’office. Il a été besoin de milliers de signatures des magistrats roumains pour que l’assemblée plénière du CSM osât adopter des arrêts d’admission, après un mois ou deux mois à partir de la date des faits imputés aux hommes politiques visés, arrêts dont la motivation a été publiée après deux autres, à savoir trois mois, depuis la date de l’adoption, quand l’impact public était devenu inefficient et sans importance.

 L’ironie du sort, le président du CSM de ce temps-là, Simona Camelia Marcu, a été extrêmement inactif sur une saisine d’office et la résolution rapide de la demande, bien qu’elle eût soutenu dans son projet de candidature à la présidence du CSM de janvier 2018, donc avec seulement quelques mois plus tôt, la nécessité de certaines réactions plus rapides, « essentielles parce qu’elles prouvaient aux magistrats et à l’opinion publique, la fermeté dans la défense de l’indépendance de la justice et le passage de longtemps affaiblit tant l’intérêt pour le fait générateur, que les effets positifs de l’intervention du Conseil. »[11]

D’états de choses pareils déterminent bien de magistrats roumains à renoncer à présenter des demandes au Conseil Supérieur de la Magistrature, parce que leur admission est devenue dans le cas heureux de l’admission, une formalité presque inutile.

L’assemblée plénière CSM a apprécié que la réputation professionnelle d’un magistrat ne soit pas affectée dans le contexte où, à ce moment-là, sur son activité, il y avait des soupçons raisonnables concernant la commission de fautes disciplinaires. Pour l’assemblée plénière du CSM, il n’a aucune relevance le rejet possible postérieur de l’action disciplinaire, y compris devant la formation de jugements de 5 juges de l’ICCJ, et la destruction de l’image publique de ce magistrat jusqu’à ladite date.[12]

On a rejeté une demande de défense de la réputation professionnelle de certains magistrats étiquetés comme des « exécutants » d’un réalisateur de la chaîne TV Antena 3, mais on a admis la demande formulée par les journalistes de la même chaîne TV sur la constatation du manquement à l’indépendance des juges parce que la Direction Nationale Anticorruption avait demandé pour la résolution d’une plainte pénale, exclusivement la délivrance des photocopies de certains documents d’un dossier où le requérant était le procureur en chef DNA de ce temps-là. L’assemblée plénière a constaté que la présentation d’une demande dans l’hypothèse des faits décrite pourrait créer l’apparence d’une influence de la formation de jugement, vu le fait que « une présentation ne respectant les exigences légales de forme (le modèle du Guide pratique de l’Institut National de la Magistrature – de l’École Nationale de Greffiers) peut générer un inconfort, ce qui peut être ressenti comme une affectation de l’indépendance ou de l’impartialité ou peut créer des soupçons sur ceux-ci ».

Si telles demandes ne respectant pas un guide sont de nature à affecter l’indépendance des juges, affirmations de certains hommes politiques de la série « Tudorele, fait quelque chose, qu’on a assez ! (…) On y parle des ministres investigués, du fait que les procureurs prennent des décisions sur le Gouvernement – ils ont commencé à décider qui serait premier-ministre dans ce pays, qui non, à savoir pas les Roumains sont ceux qui votaient, mais ! Ces hommes se rencontrant en secret à repas officiels et villas de protocole et à toute sorte de vignes et toute sorte de maisons conspiratives, nous apprenons aujourd’hui avec stupeur que derrière c’est la même force essayant à décider. (…) Nous avons un collègue détenu, un premier-ministre auquel on a rouvert un dossier après huit ans, que, eux aussi, avaient fermé, chaque jour nous apprenons des choses étranges sur nos collègues et la chasse continue abusivement, illégalement, près de la Constitution et nous ne pouvons pas rester les bras croisés. (…) Ce que la DNA a fait ces dernières quatre années (…) se nomme mafia politique, groupe criminel organisé et je le dis avec la plus grande responsabilité parce que ce qu’ils ont fait, c’était d’une gravité que, je croyais, qu’on pouvait voir dans les pays africaines peut-être, mais en aucun cas dans une démocratie consolidée ou État de droit », ce ne sont pas considérés de nature à affecter la réputation professionnelle des procureurs DNA et l’indépendance du système judiciaire, parce que « il ne résulte pas qu’on a formulé des critiques au but de compromettre l’indépendance du pouvoir judiciaire et d’affaiblir la confiance publique dans la justice, mais dans le cadre du discours politique, public, représentant des points de vue, appréciations, opinions personnelles et craintes propres » (l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 559/15.05.2018).

Des affirmations du type « Sans procureurs et juges dédiés et attachés au binôme[13] ne peuvent pas être livrées et acceptées des preuves falsifiées et rendues les sentences établies en dehors des salles d’audiences. Leurs juges sont placés en formations de jugement savamment distribuées, et les procureurs ont pour action un champ couvert du parapluie des protocoles secrets conclus avec le SRI. Les juges ayant été liés au binôme occulte se repèrent à des kilomètres. Les uns sont issus des procureurs formés initialement comme des miliciens. Leurs trajets professionnels sont rapidement dirigés non par des concours, mais par des décisions latérales. Les noires formations de jugement d’ICCJ et des Cours d’appel sont déjà célèbres. Il n’y a pas de doutes sur les solutions données par Ioana Bogdan, Ionut Matei, Selaru, Popa. Camelia Bogdan est déjà un cas classique, divulgué même par Coldea et Kovesi devant Basescu. Au CSM, on a promu par le système, les juges Mateescu, Chis, Ghena et la Section de procureurs est entièrement enrégimentée. « L’Écureuil » de la DNA fait la queue pour tomber Kovesi et « s’entraîne » avec des dossiers pouvant la monter les échelons. Nous comprenons pourquoi le batail pour la vérification des couvertes de la justice est un sort de Stalingrad. « Sont considérés des exagérations journalistiques basées sur l’existence de certains sujets de presse antérieurs. En se rapportant à « certains procureurs » non-nominalisés, on considère qu’on ne peut pas conclure que la démarche journalistique est de nature à induire l’idée que le système judiciaire entier serait partial et loyal à certains intérêts obscures (L’Arrêt de l’Assemblée plénière no 604/24.05.2018 ; l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 605/24.05.2018).

 Le lynchage de certains magistrats ayant participé aux protestes devant la Cour d’Appel de Bucarest[14] (« J’y ai écrit sur d’autres protestes des magistrats, m’étonnant chaque fois sur le grand nombre de ceux ayant accepté à servir le « Système » au lieu de servir les droits des citoyens. Maintenant, cependant, voyant que bien des jeunes magistrats se sont alignés derrière Danilet et Bogdan, j’ai une certaine épouvante sur l’avenir de ce pays. Si CSM n’intervient pas maintenant pour sanctionner ceux ayant fait cette instigation parmi les jeunes magistrats, bientôt, nous assisterons à la reconstitution du « Système » entier ayant fonctionné les dernières deux décennies comme une arme politique, devant laquelle le citoyen n’avait pas le droit qu’au statut de victime sure. Et on ne sait pas si, lorsque le « Système » regagnerait tous les territoires perdus maintenant, il apparaîtra un comme Tudorel Toader qui le vainque, mettant l’instruction contre ceux abandonnant le pouvoir de la loi en faveur de la servilité menant à des avantages éphémères ») semble sans importance par l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 1030/01.11.2018 en disposant le rejet de la demande de défense de la réputation professionnelle et de défense de l’indépendance du système judiciaire.

Il y avait besoin d’une demande signée par 172 magistrats pour la défense de la réputation professionnelle par l’Arrêt de l’Assemblée plénière no 51/14.03.3019 par rapport aux affirmations d’il y a six mois de l’avocat Aurelian Pavelescu à l’adresse des magistrats roumains présents au proteste organisé le 16.09.2018 à la Cour d’Appel de Bucarest qu’il a catalogué comme des « magistrats imposteurs », « des voyous », « des imbéciles », « ils sont l’État mafieux», « la police politique de Roumanie », « les plus corrompus de tous les Roumains », « des bolchéviques », « des magistrats corrompus », « des salauds », « des hommes de main », « des hooligans », « des animaux utilisés politiquement », « des bandits ». Le CSM en assemblée plénière a retenu qu’on avait dépassé les limites de la liberté d’expression étant induite à l’opinion publique l’idée que les magistrats participants n’avaient pas une bonne réputation morale et professionnelle, que c’étaient des personnes manquées de professionnalisme et qui n’accomplissaient pas adéquatement leurs attributions. On apporte une atteinte sérieuse à l’image de la justice de Roumanie.

La séparation des carrières se trouvant à la base de la distribution de certaines compétences de l’Assemblée plénière entre les sections du CSM, a offert déjà l’occasion à des arrêts contradictoires.

Par exemple, par l’Arrêt de la Section pour les procureurs no 699/13.11.2018, on a disposé le rejet de la demande de défense de la réputation professionnelle formulée par Gheorghe Stan (procureur, inspecteur en chef adjoint de l’Inspection judiciaire), concernant un article où on présentait un communiqué émis par l’Association des Procureurs de Roumanie – Filiale de Brasov (« le prolongement du mandat de la direction de l’Inspection Judiciaire en émettant une ordonnance d’urgence a été apprécié par la plupart des magistrats comme une mesure particulièrement périlleuse parce que, de cette manière, on est arrivé que le pouvoir politique nommât directement la direction de l’Inspection Judiciaire, situation n’étant pas conforme aux principes de l’État de droit »). La section pour procureurs a apprécié que l’article de presse concerne des points de vue sur l’OUG no 77/2018, ne visant pas des aspects concrets de l’activité du plaignant.

Par l’Arrêt de la Section pour juges no 1358/27.11.2018 on a admis la demande de défense de la réputation professionnelle formulée par Lucian Netejoru (juge, inspecteur en chef de l’Inspection Judiciaire) sur le même article. La section pour juges a retenu que la prise de position de l’Association des Procureurs de Roumanie – la Filiale de Brasov ne comporte pas une présentation objective sur la façon dont on a assuré le mandat de la fonction d’inspecteur en chef de l’Inspection Judiciaire, en base de l’OUG no 77/2018. On suggère une nomination éludant les dispositions légales et manquantes à l’État de droit, bien que celle-ci ait été critiqué par la Commission Européenne et fasse l’objet d’un renvoi préjudiciel étant devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (l’affaire C-83/19, Asociația Forumul Judecătorilor din România) par lequel on avait établi une procédure prioritaire de résolution.

Peut-être la plus inexplicable solution pour le public large paraît celle rendue par l’Arrêt de la Section pour juges no 507/21.03.2019 par laquelle on a rejeté la demande de défense de la réputation professionnelle pour une publication d’un journaliste sur le Facebook : « Ni-nooo, ni-nooo, ni-nooo! Camelia Bogdan: 87% des magistrats sont des membres de la Grande Loge Maçonnique ». Donc, 87%, non 86%, non 88% ! Je ne peux pas m’abstenir de me rappeler encore et encore : Camelia Bogdan, Livia Stanciu et Laura Codruta Kovesi étaient les idoles des chimpanzés que j’avais trouvés dans la rédaction applaudissant des détentions transmises à la télé, il y avait trois ans, quand j’étais venu à EvZ. Je ne serais pas étonné d’apprendre que pour exécuter les adversaires de Basescu, le général Coldea avait pris Bogdan directement d’ « Obregia ». Ayant le même cerveau et la même compréhension de la réalité entourant, elle a donné des milliers d’années de prison dans les 12 années d’activité. Base, vas te branler ! Les deux autres aussi ! » La Section pour les juges a enregistré que ces commentaires réalisés par les journalistes, bien que, parfois, tendancieuses, viennent dans le soutien de la préoccupation légitime de la presse de contribuer activement au débat sur le fonctionnement de la justice. C’est vrai que, parfois, le langage utilisé par le journaliste (il a pris Bogdan directement d’ « Obregia ». Ayant le même cerveau et la même compréhension de la réalité environnante, elle a donné de milliers d’années de prison en 12 ans d’activité ; celle-ci retournera de nouveau pour détruire des gens) ou les appréciations (Bogdan est maniaque des procédures) peuvent être perçues comme une réaction disproportionnelle de la presse envers la personne du magistrat, mais, dans le soutien d’une société démocratique et pluraliste, à la presse on tolère une marge d’exagération ou même de provocation. La section pour les juges a omis à se prononcer sur les expressions finales : Base, vas te branler ! Les deux autres aussi ! …”

Par l’Avis de Bureau du Conseil Consultatif des Juges Européens du 25 avril 2019, émis à la demande de l’Association du Forum des Juges de Roumanie, concernant la situation de l’indépendance du système judiciaire en Roumanie, on a confirmé le droit légitime des juges de Roumanie et de partout de protester contre toute politique ou action affectant leur indépendance, dans un contexte basé sur le respect réciproque ou d’une manière qui réponde à la nécessité de maintenance de l’indépendance et de l’impartialité de la justice.

Malheureusement, le Conseil Supérieur de la Magistrature n’a prouvé aucune stabilité et aucun rôle actif et promptitude sur la défense du corps des magistrats contre les actes de nature à porter atteinte à l’indépendance, l’impartialité ou à la réputation professionnelle de ceux-ci,[15] dans la période janvier 2017 – avril 2019, excepté des situations ponctuelles en unes de celles-ci étant attaqué même l’image de certains membres du Conseil Supérieur de la Magistrature, surtout du président actuel.

Même si chaque jour les magistrats sont lynchés dans les émissions des diverses chaînes de télévision, sur les sites et dans la presse écrite, les réactions du Conseil Supérieur de la Magistrature sont presque inexistantes, bien que son rôle est aussi celui de communiquer publiquement la réalité des faits dans le cas de la présentation de certaines informations fausses. D’ailleurs, le CSM communique publiquement, presque en toutes les situations, par au moins quatre-cinq voix distinctes (le CSM en assemblée plénière, les sections, le président du CSM et les membres représentant la société civile etc.), les derniers émettant des communiqués personnels et extraordinaires, comme si l’institution serait individuelle, et non un organe collectif. [16]

Bien que presque tous les membres choisis de l’actuel CSM se sont assumés par des projets de candidature un rôle actif et prompte concernant la défense du corps des magistrats contre les actes de nature à apporter atteinte à l’indépendance, à l’impartialité et à la réputation professionnelle de ceux-ci, cet engagement semble avoir resté une simple parole écrite sur le papier.

Le CSM n’a entrepris aucune sorte de mesures additionnelles pour fournir un soutien adéquat aux magistrats contre lesquels on dirige des critiques nuisant à l’indépendance de la Justice (par exemple, de soutien financier ou juridique des magistrats demandant des dommages moraux par des actions introduites devant les juridictions).

Les communiqués émis en cas très rares dans la période janvier 2017 – avril 2019 ne sont pas couverts par la presse d’une manière équivalente à celle où on a diffusé les critiques initiales et comme il ressort des arrêts publiés par le CSM en matière, le Conseil National de l’Audiovisuel n’a pas été saisi ni même une seule fois pour corriger l’information du canal radio/TV qui avait distribué la désinformation ou avait réalisé le lynchage médiatique.

Sans doute, pour l’accomplissement de l’obligation constitutionnelle de garant de l’indépendance de la justice, le Conseil Supérieur de la Magistrature doit défendre le corps des magistrats contre les actes apportant atteinte à l’indépendance, à l’impartialité ou à la réputation professionnelle des juges et des procureurs.

Pour que ce désidérata acquière de l’effectivité, dans la structure actuelle de choses présentée dans cette étude, il est besoin de la règlementation légale rapide de certains délais fermes et extrêmement courts pour saisir d’office, pur la résolution de ces demandes/saisines, pour la motivation des arrêts de défense de l’indépendance, de l’impartialité ou de la réputation professionnelle, mais aussi pour la diffusion de la solution disposé par le Conseil Supérieur de la Magistrature dans la presse, surtout par la publication, le poste de radio ou la chaîne TV ayant accueilli le fait diffamatoire en se réglementant par la loi « le droit à la réplique » en cas pareils.

Par la modification du cadre législatif aussi, le CSM pourrait être chargé à saisir directement les juridictions pour défendre l’image publique des magistrats face auxquels on avait admis les demandes de défense de l’indépendance, de l’impartialité ou de la réputation professionnelle ou même à soutenir le budget du CSM, les dépens nécessaires pour la présentation de certaines actions judiciaires par les juges et les procureurs visés.

Depuis 2017, les magistrats ont averti continuellement contre les effets des modifications législatives et ont protesté devant les édifices des juridictions portant des brassards blancs, en interrompant ou suspendant l’activité.

Ces manifestations représentent la dernière solution attirant l’attention sur les problèmes avec lesquels le système judiciaire de Roumanie se confronte à défaut d’une coopération loyale et des garanties crédibles de la part des pouvoir législatifs et exécutifs du pouvoir et dans les conditions où le Conseil Supérieur de la Magistrature ait intervenu soit trop tard, soit il n’a pas du tout intervenu pour défendre l’indépendance des juges et du système judiciaire en ensemble.

 

  1. Conclusions

En Roumanie, comme effet de l’entrée en vigueur des modifications apportées aux lois de la justice, le corps des magistrats sera réduit (à court terme, en proportion d’au moins 25%, si on ne trouverait pas des mesures pour contrecarrer les effets des retraites en avance), sera déprofessionnalisé par le renoncement aux examens de promotion méritocratique, sera surmené par l’augmentation du volume aux examens de promotion méritocratique, sera surmené par l’augmentation du volume d’activité, pourra être surveillé par le chef de l’Inspection Judiciaire et par la Section spéciale pour la recherche des infractions de la justice au sein de PICCJ (Le Parquet près de la Haute Cour de Cassation et de Justice), les magistrats procureurs perdront de facto l’indépendance, le contrôle sur ceux-ci étant réalisé implicitement par le Ministre de la Justice, facteur politique qui pourra leur donner des conseils sur la prévention et le combat efficient de la criminalité.

C’est évident que toutes ces modifications apportées aux lois de la justice ne sont pas du tout nécessaires dans une justice d’un État démocratique, n’étant sous aucune forme, bénéfiques pour le système judiciaire et pour la société. Par contre, elles sont extrêmement nocives pour la magistrature étant nécessaire à être reportée ou suspendue l’application des dispositions visées, durement critiquées par la Commission de Vénice ou GRECO, jusqu’à la date de leur révision totale ou, le cas échéant, l’abrogation de ces prévisions étant en vigueur.

Sur la plupart des aspects nocifs retenus par l’Avis de la Commission de Vénice, l’OUG no 92/2018 ne contient aucune prévision. Au contraire, bien que la Commission de Vénice ait suggéré la reconsidération de la constitution d’une section spéciale pour l’investigation des magistrats, le Gouvernement a émis l’OUG no 90/2018,[17] pour l’opérationnalisation de cette section et non pour sa dissolution.

L’Association le Forum des Juges de Roumanie a demandé maintes fois à l’Avocat du Peuple, la saisine immédiate de la Cour Constitutionnelle sur les dispositions de ces actes normatifs affectant conformément à la Commission de Vénice, l’indépendance de la justice. L’avocat du Peuple, Mr. Victor Ciorbea n’a pas répondu même formellement, bien qu’il ait l’attribution expresse de saisir la Cour Constitutionnelle sur les lois et les ordonnances et celle-ci ne se limite pas à la protection des droits de l’homme, son rôle devant être extrêmement actif dans la défense de l’État de droit, par la suite des engagements internationaux pris en ce sens par l’État roumain (voir l’Avis no 685 du 17 décembre 2012, CDL-AD (2012)026, la Commission de Vénice).

On note que par les déclarations constantes du Ministre de la Justice et des représentants du pouvoir législatif, contrairement à l’art. 11 de la Constitution, on minimalise le Rapport GRECO par lequel on a demandé que Roumanie s’abstienne à adopter certains amendements à la législation pénale contrevenant à ses engagements internationaux et nuisant aux capacités intérieures dans la matière de la lutte contre la corruption et ignorant la nécessité de la saisine de la Commission de la Vénice.

Le Conseil Supérieur de la Magistrature en assemblée plénière semble ne pas avoir quelque réaction sur les modifications apportées aux lois de la justice et la section pour les juges répond sans motivation au discours d’un ambassadeur soulevant de problèmes réels sur l’activité de l’Inspection Judiciaire dans la situation où strictement du point de vue statistique, étudiant l’ordre du jour résolue des audiences des sections disciplinaires et le site de la Haute Cour de Cassation et de Justice (parce que les arrêts des sections de l’actuel CSM en matière disciplinaire ne sont pas plus publiques encore de l’année 2017, en dépit de la transparence assumée), il ressort que, dans l’intervalle 2017-2018, on a admis 29 actions disciplinaires et on a rejeté 24 actions disciplinaires visant les juges, à savoir, on a admis 11 actions disciplinaires et on a rejeté 11 actions disciplinaires visant des procureurs, le pourcentage de magistrats trouvés coupables étant d’environ demi (50%) de ceux envoyés devant les sections disciplinaires (n.n. – unes des actions disciplinaires admises initialement ont été rejetées par l’ICCJ). Toutes ces réalités attirent inévitablement des commentaires publics, la liberté d’expression étant inviolable conformément à la Constitution.

            Au cours de cette entière période, le système judiciaire a été soumis à certaines attaques sans précédent de la part des hommes politiques, inculpés ou non, à l’intermède de certaines chaînes média contrôlées par ceux-ci. Le rapport sur l’état de la justice pour l’année 2018, publié en mai 2019 par le Conseil Supérieur de la Magistrature retient comme vulnérabilité « l’intensification des attaques lancées par les hommes politiques et le mass-média à l’adresse des magistrats ».[18]

D’ailleurs, la Commission de Vénice a constaté que « il y a des rapports sur des pressions et intimidations des juges et des procureurs, y compris par certains politiciens de haut rang et causées par des campagnes médiatiques »,[19] et le Rapport de la Commission sur les progrès enregistrés par Roumanie au sein de MCV du 13 novembre 2018 a mentionné expressément que « les juges et les procureurs ont continué à se confronter avec des attaques à la personne en mass-média, n’ayant pas de mécanismes suffisants de contrecarrer »[20].

Par l’Avis de Bureau du Conseil Consultatif des Juges Européens du 25 avril 2019, émis à la demande de l’Association le Forum des Juges de Roumanie, sur la situation de l’indépendance du système judiciaire en Roumanie, on a condamné les attaques répétées et sans précédent des acteurs politiques contre les juges de Roumanie (« toute déclaration, commentaires ou remarques de Roumanie dépassant les limites de la critique légitime et suivant à attaquer, intimider ou mettre pression différemment sur les juges ou prouvant le manque de respect envers ceux-ci, en utilisant des arguments simplistes, irresponsables ou démagogiques ou dénigrant d’une autre manière le système juridique ou les juges comme personnes »). CCJE a mis en relief que « les pouvoirs exécutif et législatif (…) doivent octroyer toute la protection nécessaire et adéquate lorsque les fonctions des juridictions sont menacées par des attaques ou intimidations dirigées vers les membres du système judiciaire. Le commentaire critique déséquilibré des politiciens est irresponsable et provoque un problème grave, parce que la confiance publique dans le système judiciaire peut être compromise involontairement ou délibérément. En cas pareils, le système judiciaire doit mettre en relief qu’un tel comportement est une attaque à l’ordre constitutionnelle d’un État démocratique, ainsi qu’une attaque sur la légitimité d’un autre pouvoir d’État. Un tel comportement ignore aussi les standards internationaux »[21].

Le 4 avril 2019, les représentants de l’Association Le Forum des Juges de Roumanie, de l’Association Le Mouvement pour la Défense du Statut de Procureurs et de l’Association L’Initiative pour la Justice, se sont rencontrés à Bruxelles avec des représentants officiels de premier rang de la Commission Européenne et du Parlement Européen, y compris avec le Premier-Vice-président de la Commission Européenne, Monsieur Frans Timmermans, dans une démarche ayant visé l’état de la justice de Roumanie et qui a comporté aussi un flash mob organisé par les magistrats roumains aidées par leurs collègues de Belgique devant le Palais de Justice de Bruxelles.

C’était pour la première fois dans l’histoire que les magistrats d’un autre État membre de l’Union Européenne que la Belgique, avaient protesté à Bruxelles pour l’État de droit.

La rencontre a été technique, on a discuté des aspects concernant les effets des modifications des lois de la justice, amplement critiqués par les entités internationales pertinentes. La Commission Européenne a assumé son rôle de défense de l’État de droit, conformément à l’article 2 du Traité concernant l’Union Européenne et le dialogue avec les magistrats roumains est essentiel dans cette note pour une appréciation technique de l’entier contexte, les magistrats étant exclusivement des experts techniques dans les limites de leur statut. Dans le cas de dérapages postérieurs au statut de droit et de manquement aux recommandations MCV, la Commission tient à la disposition des moyens coercitifs contre l’État roumain qu’elle n’hésitera pas à mettre en œuvre.

Par les réformes législatives adoptées dans les deux dernières années, ignorant les avis de la Commission de Vénice et les rapports de la Commission Européenne corroborés avec l’incapacité du Conseil Supérieur de la Magistrature de garantir réellement l’indépendance de la justice, les juges et les procureurs étant soumis à des assauts continus, Roumanie s’éloigne visiblement des exigences de l’État de droit. Une situation pareille tend à se répandre dans l’Europe entière mettant en quarantaine des dizaines d’années de dialogue et de progrès démocratiques paraissant irréversibles. En telles conditions, les institutions européennes ne peuvent pas rester en passivité, le sort de l’État de droit en Roumanie étant l’obligation de ceux-ci aussi.

[1] La Loi no 207/2018 complétant et modifiant la Loi no 304/2004 sur l’organisation judiciaire a été publiée dans le Journal Officiel de Roumanie, Part I, no 636 du 20 juillet 2018, entrant en vigueur en trois jours à partir la date de la publication. La Loi no 234/2018 complétant et modifiant la Loi no 317/2004 concernant le Conseil Supérieur de la Magistrature a été publiée dans le Journal Officiel de Roumanie, Part I, no 850, du 8 octobre 2018, entrant en vigueur en trois jours à partir la date de sa publication. La Loi no 242/2018 complétant et modifiant la Loi no 303/2004 sur le statut des juges et des procureurs a été publiée dans le Journal officiel de Roumanie part I, no 868 du 15 octobre 2018, entrant en vigueur dans les trois jours à partir la date de la publication.

[2] Pour des détails, Dragoș Călin, Ionuț Militaru, Claudiu Drăgușin, Aktuelle Gefahren für die Justiz in Rumänien, dans Betrifft JUSTIZ n°132 von Dezember 2017, pp.217-219.

[3] Pour une radiographie du conflit entre le pouvoir legislative et le pouvoir judiciaire en Roumanie, voir Reinhard Veser, Staatsanwälte entlässt man nicht, dans Frankfurter Allgemeine Zeitung, October 27, 2018, https://search.proquest.com/docview/2125503809?accountid=134368; Thierry Portes, La Roumanie, pays d’un seul parti, dans Le Figaro, December 18, 2018, http://premium.lefigaro.fr/international/2018/12/17/01003-20181217ARTFIG00212-la-roumanie-pays-d-un-seul-parti.php; Michael Peel, Valerie Hopkins, EU steps up criticism of Romania over rule of law, dans Financial Times, https://www.ft.com/content/0b74c360-d862-11e8-a854-33d6f82e62f8.

[4] CDL-AD(2014)010, paragraphe 185.

[5] Dans son rapport sur les progrès enregistrés par Roumanie au sein du Mécanisme de Coopération et Vérification (novembre 2017), la Commission Européenne montre que « une évaluation positive des progrès réalisés au sein de l’objectif de référence no 3 (le combat de la corruption à haut niveau) généralement se base sur une Direction Nationale Anticorruption indépendante étant en mesure à dérouler ses activités avec tous les instruments tenus à sa dispositions et à continuer à enregistrer des résultats ». En ce rapport, on montre que la Direction Nationale Anticorruption a continué à enregistrer des résultats en dépit du fait qu’on s’était confronté avec une forte pression. En plus, la Commission Européenne montre que « dans le cas de l’apparition de certaines pressions à effets négatifs sur la lutte contre la corruption, la Commission se pourrait voir obligée à réévaluer cette conclusion ».

[6] Voir la page web http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2014)041-e [accédée la dernière fois le 6 octobre 2019].

[7] Voir Association Forum des Juges de Roumanie – White paper – Modifications aux lois de la justice – l’effondrement potentiel de la magistrature de Roumanie, étude disponible à la page web http://www.forumuljudecatorilor.ro/index.php/archives/3137 [accédée la dernière fois le 6 octobre 2019].

[8] Voir pour des détails, la Revue Forumul Judecătorilor no 1/2017, p.15-16 – http://www.forumuljudecatorilor.ro/index.php/archives/2706 [accédée la dernière fois le 6 octobre 2019], ainsi que la page web https://www.courdecassation.fr/venements_23/derniers_evenements_6101/magistrature_bertrand_37040.html [accédée la dernière fois le 6 octobre 2019].

[9] Publiée dans le Journal officiel, Part I, no 874 du 16 octobre 2018.

[10] Par exemple, de toutes les données publiques existantes, il résulte que le membre CSM Nicoleta Tint n’ait jamais proposé la saisine d’office du Conseil Supérieur de la Magistrature, même de la Section pour juges.

[11] Pour plusieurs détails, voir la page web https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=5&ved=2ahUKEwj1_IThr8TcAhVJOJoKHQgIB8sQFjAEegQIBBAC&url=https%3A%2F%2Fwww.csm1909.ro%2FDownload.aspx%3Fguid%3Ddaa3cbc5-a04a-4baa-aa60-94053431e88f%257CInfoCSM&usg=AOvVaw1p6by8lS1jeePhmEJ81g5r [consultée la dernière fois le 6 octobre 2019].

[12] Devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans l’affaire Bogdan c. Roumanie, no 36889/18, l’État Roumain doit répondre, parmi les autres, aux questions de la Cour si « le refus du 11 janvier 2018 du CSM en assemblée plénière sur la demande formulée par la requérante en vertu de l’art. 30 de la Loi no 317/2004 au but de protéger sa réputation professionnelle à cause de la campagne de presse à laquelle elle avait été soumise, ainsi que la communication de presse des informations confidentielles du dossier d’investigation disciplinaire, au cours du déroulement de l’investigation, ont constitué une ingérence dans son droit ou du respect de sa vie privée au sens de l’art. 8 § 1 de la Convention ? En cas affirmatif, l’ingérence était conforme aux exigences de l’art. 8, § 2 de la Convention (Axel Springer AG c. Allemagne [MC], no 39954/08, § 83-84, l’arrêt du 7 février 2012 ; Von Hannover c. Allemagne (nr. 2) [MC], no 40660/08 et 60641/08, § 106)?”

[13] Terme colloquial désignant pour une certaine part de la presse de Roumanie la collaboration entre le Service Roumain d’Informations (SRI) et la Direction Nationale Anticorruption (DNA).

[14] Voir la page web https://www.hotnews.ro/stiri-esential-22704717-video-protest-magistra-ilor-treptele-cur-apel.htm [consultée la dernière fois le 6 octobre 2019].

[15] Le CSM n’a pas demandé le soutien du Conseil Consultatif des Juges Européens ou du Conseil Consultatif des Procureurs Européens, par exemple. Aussi, il pouvait avoir un rôle actif au sein du Réseau Européen des Conseils Judiciaires, concernant la situation de l’indépendance du système judiciaire en Roumanie. CCJE a condamné « les attaques répétées et sans précédent des acteurs politiques contre les juges de Roumanie », seulement après la saisine de l’Association du Forum des Juges de Roumanie, vu le manque d’implication du CSM.

[16] Voir, le plus récemment, le communiqué intitulé « Les leçons de l’histoire sont Vérité », disponible sur la page web https://www.csm1909.ro/323/Comunicate-societatea-civil%C4%83-CSM [consultée la dernière fois le 6 octobre 2019]. Une part des affirmations comportées, appartenant à un membre du CSM créent l’impression de graves déséquilibres dans la magistrature, de nature à minimiser même le rôle constitutionnel du Conseil Supérieur de la Magistrature. De façon étonnant, les autres membres les permettent sans des explications publiques adéquates.

[17] Publiée dans le Journal officiel, Part I, no 862 du 10 octobre 2018.

[18] Disponible sur la page web http://old.csm1909.ro/csm/linkuri/06_05_2019__94958_ro.pdf [consultée la dernière fois le 6 octobre 2019].

[19] Voir l’Avis de la Commission de la Vénice sur les modifications apportées à la Loi no 303/2004 concernant le statut des juges et des procureurs, de la Loi no 304/2004 concernant l’organisation judiciaire et de la Loi no 317/2004 concernant le Conseil Supérieur de la Magistrature, CDL – AD (2018) 017, § 15 et 157.

[20] Voir le Rapport de la Commission au Parlement Européen et Conseil sur les progrès enregistrés en Roumanie au sein du Mécanisme de coopération et vérification (Strasbourg, 13.11.2018 COM (2018) 851 fin), section 2 (Situation générale), page 2.

[21] Voir aussi l’Avis CCJE no 18 (2015) sur la position du système judiciaire et sa relation avec les autres pouvoirs d’État dans une démocratie moderne, § 52.

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