Affaire C-430/21, RS – Demande de décision préjudicielle

 

Date de dépôt :

14 juillet 2021

 

Juridiction de renvoi :

Curtea de Apel Craiova (Roumanie)

 

Date de la décision de renvoi :

7 juillet 2021

Partie requérante :

RS

[omissis]

[omissis] CURTEA DE APEL CRAIOVA (cour d’appel de Craiova, Roumanie) SECȚIA PENALĂ ȘI PENTRU CAUZE CU MINORI (chambre pénale et pour les affaires relatives aux mineurs)

Completul de drepturi și libertăți (formation pour les droits et libertés) [omissis]

 

DEMANDE DE DÉCISION PRÉJUDICIELLE

(EN PROCÉDURE D’URGENCE)

En vertu des dispositions combinées de l’article 19, [paragraphe] 3, sous b), TUE et de [l’article] 267 TFUE, la Curtea de Apel Craiova (cour d’appel de Craiova, Roumanie) demande, d’office,

À la COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

de répondre aux questions préjudicielles suivantes :

  1. Le principe de l’indépendance des juges, consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 2 TUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose-t-il à une disposition nationale telle que l’article 148, paragraphe 2, de la Constitution roumaine, telle qu’interprétée par la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie) dans son arrêt no 390/2021, en vertu de laquelle les juridictions nationales ne sont pas habilitées à examiner la conformité au droit de l’Union d’une disposition nationale qui a été jugée constitutionnelle par un arrêt de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) ?
  2. Le principe de l’indépendance des juges, consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 2 TUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose-t-il à une disposition nationale telle que l’article 99, sous ș), de la Legea nr. 303/2004 privind statutul judecătorilor și procurorilor (loi no 303/2004 sur le statut des juges et des procureurs), qui permet d’ouvrir une procédure disciplinaire et d’infliger une sanction disciplinaire à un juge pour non-respect d’un arrêt de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) alors que ce juge est appelé à établir la primauté du droit de l’Union sur les motifs d’un arrêt de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), disposition nationale qui prive le juge de la possibilité d’appliquer l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qu’il estime prioritaire ?
  3. Le principe de l’indépendance des juges, consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 2 TUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, s’oppose-t-il à des pratiques judiciaires nationales qui interdisent au juge, sous peine de voir sa responsabilité disciplinaire engagée, d’appliquer la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne dans des procédures pénales telles que la contestation relative à la durée raisonnable de la procédure pénale régie à l’article 488 bis du Cod de procedură penală (code de procédure pénale) ?
  4. L’objet du litige. Les faits pertinents

La contestation relative à la durée de la procédure pénale [conformément à la procédure prévue aux articles 488 bis et suivants du Cod de procedură penală (code de procédure pénale roumain, ci-après le « code de procédure pénale »)] formée par RS concernant la durée de règlement du dossier pénal no 840/P/2020 du parquet près l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie, ci-après la « Haute Cour de cassation et de justice ») – Secția pentru investigarea infracțiunilor din justiție (section chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire, ci-après la « SIIJ »), a été inscrit au rôle de la Curtea de Apel Craiova (cour d’appel de Craiova) [omissis] le 10 juin 2021.

En substance, l’auteur de la contestation a demandé qu’il soit fait droit à cette dernière et qu’un délai de règlement de l’affaire par le procureur en charge du dossier soit fixé.

L’auteur de la contestation a fait valoir que, le 1er avril 2020, son épouse avait, sur le fondement de l’article 289, paragraphe 7, du code de procédure pénale, déposé une plainte visant à engager la responsabilité pénale de trois personnes ayant la qualité de témoins protégés dans l’affaire no 1272/63/2018, pour l’infraction de faux témoignage prévue à l’article 273 du Cod penal (code pénal roumain, ci-après le « code pénal »).

[Elle] a également déposé une plainte pénale contre CK, médecin légiste en chef au sein de l’Institut de médecine légale de Craiova (Roumanie), pour les infractions de faux témoignage et d’abus de fonction, prévues aux articles 273 et 297 du code pénal.

Par la même plainte, elle a formulé des accusations à l’encontre de trois magistrats, à savoir le procureur MR, pour les infractions de répression injuste, prévue à l’article 283 du code pénal, et d’abus de fonction, prévue à l’article 297 du code pénal, et les juges DB et EM, pour l’infraction d’abus de fonction, prévue à l’article 297 du code pénal.

La compétence du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice – SIIJ a été déterminée par la plainte pénale visant le procureur et les juges.

S’agissant du procureur, il a été indiqué, en substance, qu’il avait effectué les poursuites pénales de manière lacunaire, en violation des droits de la défense du requérant, et qu’il avait demandé le renvoi devant une juridiction de jugement en se fondant sur des fausses déclarations faites par des témoins.

S’agissant des juges, il a été indiqué que, au cours du jugement de l’appel, ceux-ci avaient méconnu l’arrêt no 250/2019 de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, ci-après la « Cour constitutionnelle »), parce qu’ils n’ont pas soumis à débat et n’ont pas statué sur une demande de modification de la qualification juridique [des faits], violant ainsi les droits de la défense [du requérant].

La plainte a été enregistrée auprès du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice – SIIJ, sous le numéro 840/P/2020.

Par ordonnance du 14 avril 2020, le procureur du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice – SIIJ a engagé des poursuites pénales pour les infractions de faux témoignage, répression injuste et abus de fonction prévues aux articles 273, 283 et 297 du code pénal.

À la suite de la communication envoyée par le juge des droits et libertés, le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice – SIIJ a transmis, après la troisième demande, le dossier pénal no 840/P/2020.

Le juge des droits et libertés constate que le dossier contient 90 pages, constituées pour la plupart par la plainte pénale, les demandes formulées par l’auteur de la contestation, par l’intermédiaire de l’avocat qu’il a choisi, de se voir communiquer le numéro du dossier, d’être informé de la réalisation de tout acte d’instruction, de consultation et de photocopie du dossier, demandes qui sont restées sans réponse et qui portent la mention « au dossier », le réquisitoire établi par le procureur MR, une communication datée du 10 juin 2021 par laquelle il a été demandé à la Curtea de Apel Craiova (cour d’appel de Craiova) de transmettre l’arrêt pénal no 1427/2019, prononcé par les juges visés par la plainte, deux fiches d’identification concernant la victime et son épouse, un extrait du casier judiciaire de la victime RS et un extrait du système « Ecris » relatif au dossier no 1272/63/2018.

Aux pages 65 à 70 figurent des documents concernant d’autres affaires dont est saisi le parquet près la Haute Cour de cassation et de justice – SIIJ, étrangères à la présente affaire, à savoir des pièces tirées des dossiers nos 798/P/2019 et 2015/P/2019.

  1. Les dispositions nationales susceptibles d’être appliquées en l’espèce. La jurisprudence nationale pertinente

Article 11, paragraphe 3, de la Constitution roumaine [ci-après la « Constitution »] – « Lorsqu’un traité auquel la Roumanie veut devenir partie comprend des dispositions contraires à la Constitution, il ne peut être ratifié qu’après révision de la Constitution ».

Article 148, paragraphe 2, de la Constitution – « À la suite de l’adhésion, les dispositions des traités constitutifs de l’Union européenne ainsi que les autres réglementations communautaires contraignantes priment sur les dispositions contraires de la législation nationale, dans le respect des dispositions de l’acte d’adhésion ».

Article 148, paragraphe 4, de la Constitution – « Le Parlement, le Président de la Roumanie, le gouvernement et l’autorité judiciaire garantissent le respect des obligations résultant de l’acte d’adhésion et des dispositions du paragraphe 2. »

Article 297 du code pénal – « L’abus de fonction » – « Le fait du fonctionnaire public qui, dans l’exercice de ses fonctions, n’accomplit pas un acte ou l’accomplit de manière défectueuse et cause ainsi un préjudice ou porte atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes d’une personne physique ou morale est puni de deux à sept ans d’emprisonnement et de l’interdiction d’occuper une fonction publique ».

Article 283 [du code pénal] – « La répression injuste » – « Le fait d’engager l’action publique, de prendre une mesure préventive non privative de liberté ou de renvoyer une personne devant une juridiction de jugement en sachant qu’elle est innocente est puni d’une peine d’emprisonnement de trois mois à trois ans et de l’interdiction d’occuper une fonction publique ».

La contestation relative à la durée de la procédure pénale

Article 488 bis [du code de procédure pénale] – Introduction de la contestation

« 1. Si l’activité de poursuite pénale ou de jugement n’est pas exercée dans un délai raisonnable, il est possible d’introduire une contestation, en demandant l’accélération de la procédure.

  1. La contestation peut être introduite par le suspect, le prévenu, la victime, la partie civile et la partie civilement responsable. En cours d’instance, la contestation peut également être introduite par le procureur.
  2. La contestation peut être introduite comme suit :
  3. a) au moins un an après le début des poursuites pénales, pour les affaires se trouvant au stade des poursuites pénales ;
  4. b) au moins un an après le renvoi devant une juridiction de jugement, pour les affaires en cours de jugement en première instance ;
  5. c) au moins six mois après avoir saisi la juridiction d’un recours, pour les affaires se trouvant au stade des voies de recours ordinaires ou extraordinaires.
  6. La contestation peut être retirée à tout moment jusqu’à ce qu’il soit statué sur celle-ci. La contestation ne peut plus être réitérée au même stade procédural que celui dans lequel elle a été retirée ».

Article 488 ter – La compétence pour connaître de la contestation

« 1. La compétence pour connaître de la contestation appartient :

  1. a) dans les affaires pénales se trouvant au stade des poursuites pénales, au juge des droits et libertés de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur l’affaire en première instance ;
  2. b) dans les affaires pénales en cours de jugement ou se trouvant au stade des voies de recours, ordinaires ou extraordinaires, à la juridiction hiérarchiquement supérieure à celle devant laquelle l’affaire est pendante.
  3. Lorsque la procédure judiciaire visée par la contestation est pendante devant la Haute Cour de cassation et de justice, la compétence pour connaître de cette contestation appartient à une autre formation de la même chambre ».

Article 488 quater – Le contenu de la contestation

« La contestation est formulée par écrit et doit contenir :

  1. a) le nom, le prénom, le domicile ou la résidence de la personne physique ou la dénomination et le siège social de la personne morale ainsi que la qualité dans le cadre de l’affaire de la personne physique ou morale qui présente la demande ;
  2. b) le nom et la qualité de celui qui représente la partie à la procédure et, en cas de la représentation par un avocat, le nom et le domicile professionnel de celui-ci ;
  3. c) l’adresse pour la correspondance ;
  4. d) la dénomination du parquet ou de la juridiction et le numéro du dossier ;
  5. e) les moyens de fait et de droit sur lesquels la contestation est fondée ;
  6. f) la date et la signature ».

Article 488 quinquies – La procédure de règlement de la contestation

« 1. Aux fins du règlement de la contestation, le juge des droits et libertés ou la juridiction ordonne les mesures suivantes :

  1. a) l’information du procureur ou de la juridiction saisie de l’affaire en ce qui concerne la contestation introduite, avec mention de la possibilité de présenter des observations à cet égard ;
  2. b) la transmission dans un délai de cinq jours du dossier ou d’une copie certifiée du dossier de l’affaire par le procureur ou par la juridiction devant laquelle l’affaire est pendante ;
  3. c) l’information des autres parties à la procédure et, le cas échéant, des autres personnes visées à l’article 488 bis, paragraphe 2, en ce qui concerne la contestation et leur droit de présenter des observations dans le délai imparti à cet effet par le juge des droits et libertés ou par la juridiction.
  4. Lorsque le suspect ou le prévenu est privé de liberté, dans l’affaire concernée ou dans une autre affaire, l’information visée au paragraphe 1, sous c), est adressée à la fois à lui et à son avocat, choisi ou nommé d’office.
  5. La non-transmission des observations visées au paragraphe 1, sous a) et c), dans le délai fixé par la juridiction n’empêche pas qu’il soit statué sur la contestation.
  6. Le juge des droits et libertés ou la juridiction statue sur la contestation au plus tard 20 jours après son enregistrement.
  7. Il est statué sur la contestation par voie d’ordonnance, en chambre du conseil, avec citation des parties, des principaux intéressés à la procédure et avec la participation du procureur. Le défaut de comparution des personnes légalement citées n’empêche pas de statuer sur la contestation.

Article 488 sexies – Le règlement de la contestation

  1. Lorsqu’il se prononce sur la contestation, le juge des droits et libertés ou la juridiction vérifie la durée des procédures en s’appuyant sur les mesures prises et les pièces du dossier de l’affaire ainsi que sur les observations présentées et se prononce par ordonnance.
  2. Lors de l’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la procédure judiciaire, le juge des droits et libertés ou la juridiction tient compte des éléments suivants :
  3. a) la nature et l’objet de l’affaire ;
  4. b) la complexité de l’affaire, y compris en tenant compte du nombre de participants et des difficultés d’administration de la preuve ;
  5. c) les éléments d’extranéité de l’affaire ;
  6. d) le stade de la procédure et la durée des étapes procédurales antérieures ;
  7. e) le comportement de l’auteur de la contestation dans le cadre de la procédure judiciaire analysée, y compris sous l’angle de l’exercice de ses droits procéduraux et au regard du respect de ses obligations dans le cadre de la procédure ;
  8. f) le comportement des autres participants à l’affaire, y compris des autorités impliquées ;
  9. g) la survenance de modifications législatives applicables à l’affaire ;
  10. h) d’autres éléments de nature à avoir une incidence sur la durée de la procédure ».

Article 488 septies – Solutions

« 1. Lorsqu’il considère que la contestation est fondée, le juge des droits et libertés ou la juridiction fait droit à la contestation et fixe le délai dans lequel le procureur doit trancher l’affaire conformément à l’article 327 ou dans lequel la juridiction doit statuer sur l’affaire ainsi que le délai dans lequel une nouvelle contestation ne peut pas être introduite.

  1. Dans tous les cas, le juge des droits et libertés ou la juridiction saisie de la contestation ne peut pas donner d’orientations ni offrir des solutions à des questions de fait ou de droit qui préjugent de l’issue de la procédure ou qui portent atteinte à la liberté du juge saisi de l’affaire de décider, conformément à la loi, de la solution qu’il convient d’apporter à la procédure ou, le cas échéant, à la liberté du procureur de prononcer la solution qu’il considère légale et fondée.
  2. S’il est constaté que la durée raisonnable a été dépassée, une nouvelle contestation dans la même affaire est jugée en tenant exclusivement compte des motifs apparus après la contestation antérieure.
  3. L’abus de droit consistant à introduire une contestation de mauvaise foi est passible d’une amende judiciaire allant de 1 000 à 7 000 RON et du paiement des dépens.
  4. L’ordonnance est motivée dans un délai de cinq jours après le prononcé. Le dossier est retourné le jour de la motivation.
  5. La décision est notifiée à l’auteur de la contestation et transmise pour information à toutes les parties ou personnes visées à l’article 488 quinquies, paragraphe 1, sous c), qui sont tenues d’observer les délais qui y figurent.
  6. L’ordonnance par laquelle le juge des droits et libertés ou la juridiction statue sur la contestation n’est susceptible d’aucun recours.
  7. La contestation introduite en méconnaissance des délais prévus au présent chapitre fera l’objet d’un retour par voie administrative.

La section chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire – loi no 304/2004

Article 88 bis – « 1. Dans le cadre du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice est instituée la [SIIJ], qui détient la compétence exclusive en matière de poursuites pénales des infractions commises par des juges et procureurs, y compris les juges et procureurs militaires et ceux qui ont qualité de membres du Conseil supérieur de la magistrature.

  1. La [SIIJ] demeure compétente pour les poursuites pénales lorsque, en sus des personnes visées au paragraphe 1, d’autres personnes sont poursuivies.
  2. En cas d’infractions commises par des juges et des procureurs militaires, les dispositions de l’article 56, paragraphe 4, de la Legea nr. 135/2010 privind Codul de procedură penală (loi no 135/2010 portant code de procédure pénale), telle que modifiée et complétée ultérieurement, ne sont pas applicables.
  3. La [SIIJ] est dirigée par un procureur en chef de la section, assisté par un procureur en chef adjoint, nommés dans ces fonctions par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, dans les conditions prévues par la présente loi.
  4. Le procureur général du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice règle les conflits de compétence entre la [SIIJ] et les autres structures ou unités du ministère public.
  5. **) Lorsque le code de procédure pénale ou d’autres lois spéciales font référence au “procureur hiérarchique supérieur” en cas d’infractions relevant de la compétence de la [SIIJ], il convient d’entendre par là le procureur en chef de la section, y compris pour les décisions prises avant la mise en fonctionnement de celle-ci. »

**) Par arrêt no 547/2020 publié au Monitorul Oficial no 753 du 19 août 2020, la Cour constitutionnelle a constaté que les dispositions de l’article 88 bis, paragraphe 6, sont inconstitutionnelles. Conformément à l’article 147, paragraphe 1, de la Constitution, « [l]es dispositions des lois et ordonnances en vigueur ainsi que celles des règlements qui sont jugées inconstitutionnelles cessent de produire leurs effets juridiques quarante-cinq jours après la publication de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, à moins que, durant cette période, le Parlement ou le gouvernement, selon le cas, ne mette les dispositions inconstitutionnelles en accord avec les dispositions de la Constitution. Durant cette période, les dispositions jugées inconstitutionnelles sont suspendues de plein droit. »

Article 88 ter – « 1. La [SIIJ] exerce ses activités en vertu des principes de légalité, d’impartialité et de contrôle hiérarchique.

  1. Il est interdit de déléguer ou de détacher des procureurs auprès de la [SIIJ].
  2. La [SIIJ] est dotée de quinze postes de procureurs.
  3. Le nombre de postes dans la [SIIJ] peut être modifié, en fonction du volume d’activité, par ordonnance du procureur général du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice, à la demande du procureur en chef de la section, sur avis conforme de l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature.
  4. Pendant la période durant laquelle ils exercent leurs activités au sein de la [SIIJ], les procureurs exerçant des fonctions d’encadrement et d’exécution jouissent des droits des procureurs détachés, dans les conditions prévues par la loi. »

Article 88 quater – « 1. Le procureur en chef de la [SIIJ] est nommé dans ses fonctions par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, à la suite d’un concours consistant dans la présentation d’un projet relatif à l’accomplissement des tâches spécifiques du poste de gestion en question, qui vise à évaluer les compétences en matière de gestion, la gestion efficace des ressources, la capacité de prendre des décisions et d’assumer des responsabilités, les compétences en matière de communication et la résistance au stress ainsi que l’intégrité du candidat, son activité en tant que procureur et son rapport à des valeurs spécifiques à cette profession, telles que l’indépendance de la justice ou le respect des droits et libertés fondamentaux.

  1. La commission chargée de l’organisation du concours est composée comme suit :
  2. a) trois membres juges, qui font partie de la section “Jugesˮ et qui ont exercé au sein d’une juridiction ayant un degré au moins égal à celui d’une cour d’appel, désignés par la section “Jugesˮ ;
  3. b) un membre procureur, qui fait partie de la section “Procureurs” et qui a exercé au sein d’un parquet ayant un degré au moins égal à celui du parquet près la cour d’appel, désigné par la section “Procureurs”.
  4. Les conditions requises pour qu’un procureur puisse s’inscrire au concours pour le poste de procureur en chef de la [SIIJ] sont celles prévues à l’article 88 sexies, paragraphe 3.
  5. Chaque candidat dépose un curriculum vitae, les déclarations prévues à l’article 48, paragraphe 11, de la loi no 303/2004, republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement, un projet relatif à l’accomplissement des tâches spécifiques au poste d’encadrement et tout autre document qu’il juge pertinent à l’appui de sa candidature.
  6. Les documents déposés par chaque candidat sont publiés sur la page Internet du Conseil supérieur de la magistrature au moins dix jours avant le concours.
  7. La commission chargée de l’organisation du concours propose à l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature la nomination du procureur en chef de la [SIIJ], après évaluation des candidatures et des projets, à la suite d’un entretien retransmis en direct.
  8. La révocation du procureur en chef de la [SIIJ] est décidée par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, en cas de non-accomplissement des tâches spécifiques à ses fonctions ou dans le cas où celui-ci a fait l’objet d’une sanction disciplinaire au cours des trois dernières années, sur proposition de la commission prévue au paragraphe 2.
  9. Le procureur en chef de la [SIIJ] est nommé dans ses fonctions pour une période de trois ans, renouvelable une seule fois. »

Article 88 quinquies – « 1. Le procureur en chef adjoint de la [SIIJ] est nommé dans ses fonctions par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, sur proposition motivée du procureur en chef de la section, parmi les procureurs déjà nommés à cette section.

  1. La nomination en tant que procureur en chef adjoint de la [SIIJ] est faite pour une période de trois ans, renouvelable une seule fois.
  2. La révocation du procureur en chef adjoint de la [SIIJ] est décidée par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, sur proposition motivée du procureur en chef de la section, en cas d’accomplissement inapproprié des tâches spécifiques au poste, lorsque le procureur en chef adjoint a fait l’objet d’une sanction disciplinaire. »

Article 88 sexties – « 1. La [SIIJ] emploie des procureurs nommés par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, à la suite d’un concours, dans la limite des postes prévus au tableau des effectifs, approuvé conformément à la loi, pour une période de trois ans, avec la possibilité de renouvellement pour une période totale d’au maximum neuf ans.

  1. Le concours est passé devant la commission chargée de l’organisation du concours composée conformément à l’article 88 quater, paragraphe 2, dont le procureur en chef de la section fait partie d’office.
  2. Pour se présenter au concours d’attribution des postes dans la [SIIJ], les procureurs doivent remplir les conditions cumulatives suivantes :
  3. a) ne pas avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire au cours des trois dernières années ;
  4. b) avoir au moins le grade requis pour travailler dans un parquet près une cour d’appel ;
  5. c) avoir une ancienneté effective d’au moins dix-huit ans dans les fonctions de procureur ;
  6. d) avoir une bonne formation professionnelle ;
  7. e) avoir une conduite morale irréprochable.
  8. Peut se présenter au concours tout procureur qui, jusqu’à la date fixée pour le début du concours, remplit les conditions prévues au paragraphe 3.
  9. Le concours prévu au paragraphe 2 consiste dans :
  10. a) un entretien passé devant la commission prévue à l’article 88 quater, paragraphe 2, dont le procureur en chef de la section fait partie d’office, retransmis en direct puis archivé sur la page Internet du Conseil supérieur de la magistrature ;
  11. b) une évaluation de ses activités des cinq dernières années ;
  12. c) une évaluation de certains actes professionnels établis par les candidats au cours de leurs trois dernières années d’activité.
  13. L’entretien consiste dans l’appréciation de la formation professionnelle, de la capacité à prendre des décisions et à assumer des responsabilités, de la résistance au stress ainsi que d’autres qualités spécifiques. Le procureur en chef de la section ainsi qu’un psychologue participent à l’entretien et peuvent poser des questions aux candidats.
  14. L’évaluation prévue au paragraphe 5, sous b), est effectuée par deux procureurs et deux juges de l’inspection judiciaire, désignés par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, sur proposition de l’inspecteur en chef. Les points sont accordés à la suite d’une analyse portant, entre autres, sur la durée et la complexité des affaires sur lesquelles le procureur a travaillé, le pourcentage d’acquittements, de renvois, de condamnations, les éventuelles plaintes déposées par les personnes mises en examen et le règlement de celles-ci.
  15. L’évaluation prévue au paragraphe 5, sous c), est effectuée par une commission désignée par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, composée de deux procureurs du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice et de deux juges de la chambre pénale de la Haute Cour de cassation et de justice, proposés par les collèges de ces institutions exerçant des fonctions d’encadrement, ainsi que d’un formateur de l’Institutul Național al Magistraturii (institut national de la magistrature, Roumanie), proposé par le conseil scientifique de celui-ci.
  16. Le nombre maximal de points pouvant être donné aux épreuves de concours est de 100 points, distribués ainsi :
  17. a) 60 points pour l’épreuve prévue au paragraphe 5, sous a) ;
  18. b) 20 points pour l’épreuve prévue au paragraphe 5, sous b) ;
  19. c) 20 points pour l’épreuve prévue au paragraphe 5, sous c).
  20. Le nombre minimal de points requis pour réussir au concours est de 70 points et il ne peut être inférieur au nombre de points suivant pour chaque épreuve :
  21. a) minimum 25 points pour l’épreuve prévue au paragraphe 5, sous a) ;
  22. b) minimum 15 points pour l’épreuve prévue au paragraphe 5, sous b) ;
  23. c) minimum 10 points pour l’épreuve prévue au paragraphe 5, sous c).
  24. La nomination au poste de procureur dans la [SIIJ] est faite par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, dans la limite des postes vacants et dans l’ordre des points obtenus.

11 bis. Les membres des commissions de concours prévues dans la présente section ne sont pas frappés d’incompatibilité et votent à l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature.

11 ter. Les commissions de concours prévues respectivement à l’article 88 quater et à l’article 88 sexties exercent légalement l’activité en présence d’au moins trois membres.

  1. Les procédures de nomination, de poursuite des fonctions et de révocation des fonctions d’encadrement et d’exécution dans la section sont détaillées dans un règlement approuvé par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature. »

Article 88 septies – « 1. À l’expiration du délai de trois ans, le procureur peut demander à poursuivre ses fonctions dans la [SIIJ] pour une nouvelle période de trois ans, sans dépasser une période maximale d’activité dans la section de neuf ans.

  1. Trois mois avant l’expiration du délai de nomination, l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature analyse la demande déposée par le procureur qui souhaite poursuivre ses fonctions dans la section et se prononce sur celle-ci en tenant compte de l’évaluation des activités exercées par celui-ci au cours des trois dernières années.
  2. À la date de cessation de ses fonctions dans la [SIIJ], le procureur revient à son parquet d’origine.
  3. À compter de la date de retour à leur parquet d’origine, les procureurs qui ont exercé leurs fonctions dans la [SIIJ] retrouvent le grade et la rémunération correspondant à celui-ci qu’ils avaient antérieurement ou qu’ils ont acquis à la suite d’une promotion, dans les conditions prévues par la loi, pendant l’exercice de leurs fonctions dans la section. »

Article 88 octies – « 1. Les procureurs nommés à la [SIIJ] peuvent être révoqués par l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature, sur demande motivée du procureur en chef de la section, en cas d’accomplissement inapproprié des tâches spécifiques au poste, lorsqu’une sanction disciplinaire a été appliquée.

  1. En cas de révocation, le procureur revient à son parquet d’origine et retrouve le grade et la rémunération correspondant à celui-ci qu’il avait antérieurement ou qu’il a acquis à la suite d’une promotion, dans les conditions prévues par la loi, pendant l’exercice de ses fonctions dans la section. »

Article 88 nonies – « 1. Les attributions de la [SIIJ] sont les suivantes :

  1. a) exercer les poursuites pénales, dans les conditions prévues par [le code de procédure pénale], tel que modifié et complété ultérieurement, pour les infractions relevant de sa compétence ;
  2. b) saisir les juridictions afin que ces dernières prennent les mesures prévues par la loi et jugent les affaires relatives aux infractions prévues sous a) ;
  3. c) créer et actualiser la base de données sur les infractions relevant de son domaine de compétence ;
  4. d) **) former et retirer des recours dans les affaires relevant de la compétence de la section, y compris celles pendantes devant une juridiction ou celles qui ont été définitivement tranchées avant la mise en fonctionnement de la section conformément à l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 90/2018 privind unele măsuri pentru operaționalizarea Secției pentru investigarea infracțiunilor din justiție (ordonnance d’urgence du gouvernement [ci-après “OUGˮ] no 90/2018 relative aux mesures concernant les modalités de fonctionnement de la [SIIJ]) ;

**) Par arrêt no 547/2020 publié au Monitorul Oficial no 753 du 19 août 2020, la Cour constitutionnelle a constaté que les dispositions de l’article 88 nonies, paragraphe 1, sous d), sont inconstitutionnelles. Conformément à l’article 147, paragraphe 1, de la Constitution, « [l]es dispositions des lois et ordonnances en vigueur ainsi que celles des règlements qui sont jugées inconstitutionnelles cessent de produire leurs effets juridiques quarante-cinq jours après la publication de l’arrêt de la Cour constitutionnelle, à moins que, durant cette période, le Parlement ou le gouvernement, selon le cas, ne mette les dispositions inconstitutionnelles en accord avec les dispositions de la Constitution. Durant cette période, les dispositions jugées inconstitutionnelles sont suspendues de plein droit. »

  1. e) exercer d’autres attributions prévues par la loi.
  2. La participation aux audiences dans les affaires relevant de la compétence de la section est assurée par des procureurs de la section judiciaire du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice ou par des procureurs du parquet près la juridiction saisie de l’affaire. »

Article 88 decies – « La [SIIJ] établit une fois par an un rapport relatif à son activité, qu’elle présente, au plus tard au mois de février de l’année suivante, à l’assemblée plénière du Conseil supérieur de la magistrature. »

Article 88 undecies – « 1. Aux fins de l’exercice des activités spécifiques prévues par le code de procédure pénale, la [SIIJ] emploie des officiers ou des agents de police judiciaire, en tant que personnel détaché, qui sont sous la direction et le contrôle directs des procureurs de la section, dans la limite des postes prévus par la loi.

  1. Les officiers et les agents de police judiciaire sont détachés, à la demande du procureur en chef de la [SIIJ], par le ministre de l’Intérieur pour une période maximale de trois ans, pouvant être prolongée tous les trois ans, avec l’accord de ceux-ci.
  2. Les officiers et les agents de police judiciaire visés au paragraphe 1 sont nommés par ordonnance du procureur en chef de la [SIIJ].
  3. Il est possible de mettre fin au détachement des officiers et des agents de police judiciaire avant la période visée au paragraphe 2, par une ordonnance motivée du procureur en chef de la [SIIJ].
  4. Pendant la durée du détachement, les officiers et les agents de police judiciaire ne peuvent recevoir aucun ordre de leurs supérieurs hiérarchiques dans la police judiciaire.
  5. Les officiers et les agents de police judiciaire sont tenus d’appliquer les décisions des procureurs de la [SIIJ]. Les actes établis par les premiers sur ordre écrit du procureur sont effectuées au nom de ce dernier.
  6. Les officiers et les agents de police judiciaire visés au paragraphe 1 disposent des droits et des obligations prévus par la loi pour les officiers de police et les agents de police, sous réserve des exceptions prévues par la présente loi, et jouissent en conséquence des droits prévus aux articles 13 et 23 de l’Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 27/2006 privind salarizarea și alte drepturi ale judecătorilor, procurorilor și altor categorii de personal din sistemul justiției (OUG no 27/2006 relative aux rémunérations et autres droits des juges, des procureurs et des autres catégories de personnel du système judiciaire), telle que modifiée et complétée par la loi no 45/2007, modifiée et complétée ultérieurement.
  7. Les officiers et les agents de police judiciaire visés au paragraphe 1 sont rémunérés conformément aux dispositions légales applicables aux officiers et aux agents de police judiciaire de la direction nationale anticorruption.
  8. Les attributions légales du ministre de l’Intérieur concernant les droits et les responsabilités des officiers et des agents de police judiciaire détachés sont exercées par le procureur en chef de la [SIIJ]. Les attributions relatives à l’octroi des grades aux officiers et aux agents de police judiciaire détachés sont exercées par le ministre de l’Intérieur, sur proposition du procureur en chef de la [SIIJ].
  9. L’article 6 de la Legea nr. 364/2004 privind organizarea și funcționarea poliției judiciare (loi no 364/2004 relative à l’organisation et au fonctionnement de la police judiciaire), republiée, telle que modifiée ultérieurement, s’applique mutatis mutandis à l’activité des officiers et des agents de police judiciaire visés au paragraphe 1. »

Article 88 duodecies – « 1. La [SIIJ] emploie des experts dans le domaine du traitement et de l’analyse des informations, de l’économie, des finances, des douanes, de l’informatique ainsi que dans d’autres domaines, afin de clarifier certains points techniques ou spécialisés en matière de poursuites pénales.

  1. Les experts visés au paragraphe 1 sont nommés à la [SIIJ] par ordonnance du procureur en chef de celle-ci et ont qualité de fonctionnaire public.
  2. Les experts visés au paragraphe 1 exercent leur activité sous la direction, la surveillance et le contrôle directs des procureurs de la [SIIJ] et disposent des droits et des obligations prévus par la loi pour les fonctionnaires publics. Les traitements de base des experts de la [SIIJ] sont ceux prévus à l’article 28, paragraphe 2, de la Legea-cadru nr. 153/2017 privind salarizarea personalului plătit din fonduri publice (loi-cadre no 153/2017 relative à la rémunération du personnel payé sur des fonds publics), telle que modifiée et complétée ultérieurement, en combinaison avec l’article 1er, sous e), et à l’article 22, paragraphe 1 à 3, du chapitre VIII de l’annexe V de cette loi. Les spécialistes bénéficient dûment des droits prévus aux articles 13 et 23 de l’[OUG] no 27/2006, approuvée, telle que modifiée et complétée, par la loi no 45/2007, telle que modifiée et complétée ultérieurement ». Ordonanța de urgență a Guvernului nr. 90/2018 privind unele măsuri pentru operaționalizarea Secției pentru investigarea infracțiunilor din justiție (OUG no 90/2018 relative aux mesures concernant les modalités de fonctionnement de la section chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire)

Article I

« L’article 88 ter, paragraphe 3, de la Legea nr. 304/2004 privind organizarea judiciară (loi no 304/2004 sur l’organisation du système judiciaire), republiée au Monitorul Oficial al României, partie I, no 827 du 13 septembre 2005, telle que modifiée et complétée ultérieurement, est modifié comme suit :

  1. La [SIIJ] est dotée de quinze postes de procureurs ».

Article II

« 1. Par dérogation aux articles 88 quater à 88 sexies de la loi no 304/2004 sur l’organisation du système judiciaire, republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement, avant l’achèvement des concours organisés pour l’attribution du poste de procureur en chef de la [SIIJ] et des postes de procureur de cette section et la validation des résultats de ces concours, les fonctions de procureur en chef et au moins un tiers des fonctions de procureur sont provisoirement exercées par des procureurs qui remplissent les conditions légales pour être nommés à ces postes, sélectionnés par la commission chargée de l’organisation du concours composée conformément à l’article 88 quater, paragraphe 2, de la loi no 304/2004, republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement.

  1. La sélection des candidats est effectuée par la commission chargée de l’organisation du concours prévue au paragraphe 1, conformément à une procédure qui se déroule au plus tard dans les cinq jours calendaires à compter de la date de lancement du concours par le président du Conseil supérieur de la magistrature. La commission chargée de l’organisation du concours exerce ses activités en présence d’au moins trois membres.
  2. Les candidats aux fonctions d’encadrement et d’exécution prévues au paragraphe 1 déposent auprès de l’unité des ressources humaines du Conseil supérieur de la magistrature une lettre de candidature accompagnée de tout autre document que les candidats jugent pertinent.
  3. Dans un délai de trois jours calendaires à compter de la réception de la liste des candidats par l’unité des ressources humaines du Conseil supérieur de la magistrature, la commission chargée de l’organisation du concours vérifie le respect par les candidats des conditions légales de nomination à ces postes et met en oeuvre la procédure de sélection sur la base du dossier de candidature et d’un entretien. L’entretien est retransmis en direct, en audiovisuel, sur la page Internet du Conseil supérieur de la magistrature et est enregistré ainsi que publié sur ladite page Internet.
  4. Pour les candidats au poste de procureur dans la [SIIJ], la procédure de sélection tient compte des critères suivants :
  5. a) l’intégrité du candidat ;
  6. b) l’appréciation de son activité en tant que procureur.
  7. L’appréciation de l’intégrité des candidats est faite au regard des données figurant dans le dossier professionnel de ceux-ci, des documents déposés par le candidat, du rapport du candidat à des valeurs telles que l’indépendance de la justice, l’impartialité des magistrats, l’intégrité ainsi que des points soulevés au cours de l’entretien.
  8. L’appréciation de l’activité en tant que procureur est faite sur la base du dernier rapport d’évaluation établi et des points pertinents résultant de l’entretien, de l’analyse des documents déposés par le candidat ainsi que des points pertinents vérifiables résultant de son activité antérieure.
  9. Pour les candidats au poste de procureur en chef de la [SIIJ], la procédure de sélection est effectuée au regard des deux critères prévus au paragraphe 5 ainsi que conformément à celui relatif aux compétences en matière d’encadrement, à la gestion efficace des ressources, à la capacité à prendre des décisions et à assumer des responsabilités, aux compétences en matière de communication et à la résistance au stress.
  10. Les procureurs sélectionnés pour le poste de procureur en chef de la [SIIJ] et les postes de procureur dans la section, en vertu des dispositions du présent article, sont nommés par le président du Conseil supérieur de la magistrature. Le procureur en chef adjoint de la [SIIJ] est nommé par le président du Conseil supérieur de la magistrature, sur proposition motivée du procureur en chef de la section, parmi les procureurs sélectionnés pour être nommés à cette section. À la date de cessation de leurs fonctions dans le cadre de la [SIIJ], les procureurs nommés dans les conditions prévues par la présente [OUG] reviennent à leurs parquets d’origine.
  11. Aux fins de la mise en fonctionnement de la [SIIJ], le procureur général du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice fournit, dans un délai de cinq jours calendaires à compter de l’entrée en vigueur de la présente [OUG], les ressources humaines et matérielles nécessaires à son fonctionnement, y compris le personnel auxiliaire spécialisé, des officiers et agents de la police judiciaire, des experts et d’autres catégories de personnel.
  12. À compter de sa mise en fonctionnement, la [SIIJ] reprend les affaires relevant de sa compétence pendantes devant la direction nationale anticorruption et devant d’autres branches du parquet ainsi que les dossiers des affaires relatives aux infractions prévues à l’article 88 bis, paragraphe 1, de la loi no 304/2004, republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement, qui ont été résolues la mise en fonctionnement de cette section. »

Legea nr. 303/20[0]4 [privind statutul judecătorilor și procurorilor] (loi no 303/2004 sur le statut des juges et des procureurs) – article 99, sous ș) – « Constitue une faute disciplinaire […] le non-respect des arrêts de la Cour constitutionnelle ou des arrêts prononcés par la Haute Cour de cassation et de justice statuant sur des pourvois dans l’intérêt de la loi ».

  1. Les dispositions du droit de l’Union pertinentes en l’espèce

Dispositions du traité sur l’Union européenne

Article 2

« L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Article 4, [paragraphe] 3

« En vertu du principe de coopération loyale, l’Union et les États membres se respectent et s’assistent mutuellement dans l’accomplissement des missions découlant des traités.

Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l’Union.

Les États membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union. »

Article 19, [paragraphe] 1

« La Cour de justice de l’Union européenne comprend la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux spécialisés. Elle assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités.

Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. »

Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la « Charte »] « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. »

Les raisons ayant conduit la juridiction de céans à formuler la demande de décision préjudicielle

Ainsi qu’il ressort de l’analyse de la section « L’objet du litige. Les faits pertinents », dans la présente affaire, un requérant a porté plainte contre plusieurs magistrats, juges et procureurs, au motif qu’ils auraient commis certaines infractions lui ayant causé un préjudice. Conformément à la réglementation nationale, cette plainte doit être traitée par le parquet compétent dans un délai raisonnable.

Si plus d’un an s’est écoulé depuis l’ouverture de la procédure pénale, le requérant peut s’adresser au juge des droits et libertés afin que ce dernier vérifie la durée de la procédure.

Le juge des droits et des libertés peut soit rejeter la contestation dont il est saisi, soit l’admettre. En cas de rejet, le dossier est renvoyé au procureur, la durée raisonnable étant considérée comme n’ayant pas été méconnue.

En cas d’admission, le juge fixe un délai pour trancher l’affaire et celle-ci est renvoyée au procureur. Il convient d’indiquer que le non-respect de ce délai fixé par le juge n’entraîne aucune conséquence juridique.

Étant donné que la suite de la procédure et la solution qui sera prononcée en l’espèce impliquent l’examen d’une réglementation nationale prévoyant la création d’une section spécialisée du ministère public disposant d’une compétence exclusive pour mener des enquêtes sur les infractions commises par des magistrats, l’examen des critères établis dans l’arrêt de la grande chambre de la Cour rendu dans les affaires jointes C-83/19, C-127/19, C-195/19, C-291/19, C-355/19 et C-397/19 le 18 mai 2021 [ci-après l’« arrêt du 18 mai 2021 »] afin de déterminer si le fonctionnement de ladite section est au non contraire au droit de l’Union, mais aussi d’établir l’incidence de l’arrêt no 390/2021 de la Cour constitutionnelle, il est nécessaire, selon le juge des droits et libertés, de vérifier si le droit de l’Union s’oppose ou non à des réglementations nationales, dans les termes indiqués ci-après.

Questions posées

  1. [réitération des questions préjudicielles]

Arrêt de la grande chambre de la Cour rendu dans les affaires jointes C-83/19, C-127/19, C-195/I9, C-291/19, C-355/19 et C-397/19 le 18 mai 2021

Dans ledit arrêt, la Cour a jugé que l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ainsi que la décision 2006/928/CE [de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification (ci-après le « MCV ») des progrès réalisés par la Roumanie, ci-après la « décision 2006/928 »] en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale prévoyant la création d’une section spécialisée du ministère public disposant d’une compétence exclusive pour mener des enquêtes sur les infractions commises par les juges et les procureurs, sans que la création d’une telle section soit justifiée par des impératifs objectifs et vérifiables tirés de la bonne administration de la justice et soit assortie de garanties spécifiques permettant, d’une part, d’écarter tout risque que cette section soit utilisée comme un instrument de contrôle politique de l’activité de ces juges et procureurs susceptible de porter atteinte à leur indépendance et, d’autre part, d’assurer que cette compétence puisse être exercée à l’égard de ces derniers dans le plein respect des exigences découlant des articles 47 et 48 de la Charte.

De même, la Cour a indiqué que le principe de primauté du droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation de rang constitutionnel d’un État membre, telle qu’interprétée par la juridiction constitutionnelle de celui-ci, selon laquelle une juridiction de rang inférieur n’est pas autorisée à laisser inappliquée, de sa propre autorité, une disposition nationale relevant du champ d’application de la décision 2006/928, qu’elle considère, à la lumière d’un arrêt de la Cour, comme étant contraire à cette décision ou à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, le principe de primauté du droit de l’Union consacre la prééminence du droit de l’Union sur le droit des États membres. Ce principe impose dès lors à toutes les instances des États membres de donner leur plein effet aux différentes normes de l’Union, le droit des États membres ne pouvant affecter l’effet reconnu à ces différentes normes sur le territoire desdits États (arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791, point 214 ainsi que jurisprudence citée).

Ainsi, en vertu du principe de primauté du droit de l’Union, le fait pour un État membre d’invoquer des dispositions de droit national, fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne saurait porter atteinte à l’unité et à l’efficacité du droit de l’Union. En effet, conformément à une jurisprudence bien établie, les effets s’attachant au principe de primauté du droit de l’Union s’imposent à l’ensemble des organes d’un État membre, sans, notamment, que les dispositions internes afférentes à la répartition des compétences juridictionnelles, y compris d’ordre constitutionnel, puissent y faire obstacle [voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2013, Melloni, C-399/11, EU:C:2013:107, point 59, ainsi que du 2 mars 2021, A. B. e.a. (Nomination des juges à la Cour suprême – Recours), C-824/18, EU:C:2021:153, point 148 et jurisprudence citée].

À cet égard, il y a lieu, notamment, de rappeler que le principe d’interprétation conforme du droit interne, en vertu duquel la juridiction nationale est tenue de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union, est inhérent au système des traités, en ce qu’il permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie (arrêt du 24 juin 2019, Popławski, C-573/17, EU:C:2019:530, point 55 et jurisprudence citée).

C’est également en vertu du principe de primauté que, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences du droit de l’Union, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’assurer la pleine efficacité de celles-ci en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a., C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791, point 215 ainsi que jurisprudence citée).

À cet égard, tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, a, en tant qu’organe d’un État membre, plus précisément l’obligation de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire à une disposition de droit de l’Union qui est d’effet direct dans le litige dont il est saisi [arrêts du 24 juin 2019, Popławski, C-573/17, EU:C:2019:530, point 61, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C-585/18, C-624/18 et C-625/18, EU:C:2019:982, point 161].

En droit roumain, le caractère contraignant des arrêts de la Cour découle indirectement de l’article 148, paragraphes 2 et 4, de la Constitution.

Le caractère contraignant des arrêts de la Cour a également été établi directement par la Cour constitutionnelle dans son arrêt no 1039/2012 relatif à l’exception d’inconstitutionnalité des dispositions de la Legea nr. 299/2011 pentru abrogarea alineatului (2) al articolului 21 din Legea contenciosului administrativ nr. 554/2004 (loi no 299/2011 abrogeant le paragraphe 2 de l’article 21 de la loi no 554/2011 sur le contentieux administratif) et de l’article 21, paragraphe 2, première phrase, de la Legea contenciosului administrativ nr. 554/2004 (loi no 554/2011 sur le contentieux administratif), dans lequel la Cour constitutionnelle a jugé que « (…) la Cour de justice de l’Union européenne étant compétente pour interpréter le droit de l’Union, ses décisions préjudicielles sont obligatoires erga omnes dans tous les États membres, sous réserve d’une demande ultérieure, par les juridictions nationales, d’éclaircissements supplémentaires sur l’interprétation de la Cour » [voir également arrêt de la Cour constitutionnelle no 211, du 9 avril 2019, relatif à l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 27 du Cod de procedură civilă (code de procédure civile), tel qu’interprété par l’arrêt no 52 de la chambre de la Haute Cour de cassation et de justice compétente pour statuer sur des questions de droit, du 18 juin 2018, et de l’article XVIII, paragraphe 2, de la Legea nr. 2/2013 privind unele măsuri pentru degrevarea instanțelor judecătorești, precum și pentru pregătirea punerii în aplicare a Legii nr. 134/2010 privind Codul de procedură civilă (loi no 2/2013 concernant certaines mesures de désengorgement des juridictions et la préparation de la mise en oeuvre de la loi no 134/2010 portant code de procédure civile), concernant l’expression « ainsi que sur les autres demandes évaluables en argent d’un montant inférieur ou égal à 1 000 000 [RON] » (Monitorul Oficial no 828 du 11 octobre 2019). Dans cet arrêt [no 211/2019], la Cour constitutionnelle souligne et renvoie à sa jurisprudence antérieure par laquelle elle a consacré le caractère contraignant des motifs de ses arrêts : « Conformément à l’article 147, paragraphe 4, de la Constitution, les arrêts de la Cour constitutionnelle ont un caractère contraignant et, en vertu de la jurisprudence de cette juridiction (arrêt du plenum de la Cour constitutionnelle no 1 du 17 janvier 1995, arrêt no 1.415 du 4 novembre 2009, arrêt no 414 du 14 avril 2010 et arrêt no 415 du 14 avril 2010), l’autorité de la chose jugée des actes juridictionnels et des arrêts de la Cour constitutionnelle s’attache non seulement au dispositif, mais également aux motifs sur lesquels [celui-ci] s’appuie » (point 12)].

L’arrêt rendu par la Cour a un caractère contraignant et non un effet purement consultatif. Une éventuelle conclusion contraire dénaturerait la fonction de la Cour telle qu’elle est conçue par le traité, à savoir celle d’une juridiction dont les décisions sont obligatoires. Un arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour lie le juge national, quant à l’interprétation ou à la validité des actes des institutions de l’Union en cause, pour la solution du litige au principal. Dès lors que la juridiction nationale a saisi la Cour à titre préjudiciel afin de trancher le litige dont elle est saisie, elle est liée par l’interprétation des dispositions en cause donnée par la Cour. La décision de la Cour ne lie pas seulement la juridiction de renvoi ; elle est contraignante pour toutes les juridictions nationales, y compris toute juridiction d’appel saisie d’un recours contre la décision rendue par la juridiction de renvoi. Le non-respect de la décision préjudicielle par la juridiction de renvoi constitue une violation du droit [de l’Union] et peut entraîner l’ouverture par la Commission européenne d’une procédure d’infraction contre l’État membre concerné (article 258 TFUE).

Les effets des décisions [préjudicielles] ont également été retenus en droit roumain par la Cour constitutionnelle dans son arrêt no 1039/2012, dans lequel elle a jugé que « les effets juridiques des décisions préjudicielles de la Cour de justice de l’Union européenne ont été délimités par voie jurisprudentielle. Ainsi, la Cour de Luxembourg a jugé qu’une telle décision relative à l’interprétation ou à la validité d’un acte de l’Union lie la juridiction qui a introduit la demande de décision préjudicielle et l’interprétation, qui fait corps avec les dispositions du droit de l’Union interprétées, a autorité de la chose jugée également à l’égard des autres juridictions nationales, qui ne peuvent pas donner une propre interprétation de ces dispositions. Par ailleurs, l’effet des décisions préjudicielles est direct, en ce sens que les ressortissants des États membres ont le droit d’invoquer directement les règles de droit de l’Union devant les juridictions nationales et européennes, et rétroactif, en ce sens que l’interprétation d’une règle de droit de l’Union dans le cadre d’un renvoi préjudiciel éclaire et précise la signification et la portée de celle-ci à compter de son entrée en vigueur (…) ».

En outre, la décision est obligatoire pour toutes les autorités nationales, y compris les autorités administratives [arrêts du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C-453/00, EU:C:2004:17) ; du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor (C-392/04 et C-422/04, EU:C:2006:586), et du 12 février 2008, Kempter (C-2/06, EU:C:2008:78)].

L’interprétation que la Cour donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation, si les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies.

Un arrêt préjudiciel a une valeur non pas constitutive, mais purement déclarative, avec la conséquence que ses effets remontent, en principe, à la date de l’entrée en vigueur de la règle interprétée. Il y a également lieu de tenir compte de ce que la Cour a souligné dans l’affaire C-110/15 [arrêt du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., EU:C:2016:717] : « À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’interprétation que cette dernière donne d’une règle de droit de l’Union, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, éclaire et précise la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies » (point 59). L’interprétation donnée par la Cour fait partie intégrante de la règle de droit de l’Union en cause ; cette règle découle de l’article 267 TFUE.

Dans son arrêt no 390, du 8 juin 2021, relatif à l’exception d’inconstitutionnalité des dispositions des articles 88 bis à 88 decies de la loi no 304/2004 ainsi que de l’OUG no 90/2018, la Cour constitutionnelle a jugé :

« Le rapport entre le droit national et le droit de l’Union fait l’objet d’une réglementation spéciale de la Constitution, qui figure à l’article 148, paragraphes 2 et 4, [de ce texte], aux termes duquel “2) À la suite de l’adhésion, les dispositions des traités constitutifs de l’Union européenne ainsi que les autres réglementations communautaires contraignantes priment sur les dispositions contraires de la législation nationale, dans le respect des dispositions de l’acte d’adhésion. (…) 4) Le Parlement, le Président de la Roumanie, le gouvernement et l’autorité judiciaire garantissent le respect des obligations résultant de l’acte d’adhésion et des dispositions du paragraphe 2.” Par conséquent, la clause d’adhésion à l’Union européenne contient à titre subsidiaire une clause de conformité au droit [de l’Union], en vertu de laquelle tous les organes de l’État sont en principe tenus de mettre en oeuvre et d’appliquer le droit [de l’Union].

Il en va de même pour la Cour constitutionnelle, qui garantit, conformément à l’article 148 de la Constitution, la primauté du droit de l’Union. Cette primauté ne saurait toutefois être comprise en ce sens qu’elle écarte ou déconsidère l’identité constitutionnelle nationale, consacrée à l’article 11, paragraphe 3, lu en combinaison avec l’article 152 de la Constitution, en tant que garantie d’un noyau identitaire substantiel de la Constitution que le processus d’intégration européenne ne doit pas relativiser. En vertu de cette identité constitutionnelle, la Cour constitutionnelle est habilitée à garantir la primauté de la Constitution sur le territoire roumain [voir, mutatis mutandis, notamment, arrêt du 30 juin 2009 du Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale, Allemagne), 2 BvE 2/08]. Conformément à la clause de conformité contenue dans le libellé même de l’article 148 de la Constitution, la Roumanie ne saurait adopter un acte normatif contraire aux obligations qu’elle a assumées en qualité d’État membre (voir arrêt no 887 du 15 décembre 2015, publié au Monitorul Oficial al României, partie I, no 191 du 15 mars 2016, point 75) ; ce qui précède a toutefois, bien entendu, une limite constitutionnelle, fondée sur la notion d’“identité constitutionnelle nationale” (voir arrêt no 683 du 27 juin 2012, publié au Monitorul Oficial al României, partie I, no 479 du 12 juillet 2012, arrêt no 64 du 24 février 2015, publié au Monitorul Oficial al României, partie I, no 286 du 28 avril 2015, ou arrêt no 104 du 6 mars 2018, publié au Monitorul Oficial al României, partie I, no 446 du 29 mars 2018, point 81).

La Cour constitutionnelle retient qu’une juridiction est habilitée à examiner la conformité au droit de l’Union d’une disposition “de la législation nationale”, donc relevant du droit national, au regard de l’article 148 de la Constitution et, si elle constate une non-conformité, elle a le pouvoir d’appliquer en priorité les dispositions du droit de l’Union dans les litiges relatifs aux droits subjectifs des citoyens. En tout état de cause, la Cour constitutionnelle constate que, par les notions de “législation nationale” et de “droit national”, la Constitution vise exclusivement la législation infra-constitutionnelle, la Constitution conservant sa position hiérarchiquement supérieure conformément à l’article 11, paragraphe 3, de ce texte.

Lorsqu’il établit que “les dispositions des traités constitutifs de l’Union européenne ainsi que les autres réglementations communautaires contraignantes priment sur les dispositions contraires de la législation nationale”, l’article 148 de la Constitution n’établit pas la primauté du droit de l’Union sur la Constitution, de sorte qu’une juridiction nationale n’est pas habilitée à examiner la conformité au droit de l’Union d’une disposition de droit national qui a été jugée constitutionnelle au regard de l’article 148 de la Constitution. Le système du droit roumain se compose de l’ensemble des règles de droit adoptées par l’État roumain, qui doivent être conformes au principe de primauté de la Constitution et au principe de légalité, qui sont par essence des exigences de l’État de droit, principes inscrits à l’article 1er, paragraphe 5, de la Constitution, aux termes duquel “[e]n Roumanie, le respect de la Constitution, de sa primauté et des lois est obligatoire”, la seule autorité législative du pays étant le Parlement, dans un État organisé conformément au principe de séparation et d’équilibre des pouvoirs  législatif, exécutif et judiciaire  dans le cadre d’une démocratie constitutionnelle. Dans un État de droit, la démocratie constitutionnelle n’est toutefois pas une abstraction ; c’est une réalité d’un système dans le cadre duquel la primauté de la Constitution limite la souveraineté du législateur qui, dans le processus de création des règles de droit et d’adoption des actes normatifs, doit tenir compte d’une série de principes de rang constitutionnel (voir arrêt no 104 du 6 mars 2018, publiée au Monitorul Oficial al României, partie I, no 446 du 29 mai 2018, point 73).

La Cour constitutionnelle observe que, en constatant le caractère obligatoire de la décision 2006/928 [dans l’arrêt du 18 mai 2021], la Cour a limité les effets de celle-ci à deux égards : d’une part, elle a jugé que les obligations découlant de la décision incombent aux autorités roumaines compétentes pour collaborer institutionnellement avec la Commission (point 177 de l’arrêt), donc aux institutions politiques, le Parlement et le gouvernement roumain, et, d’autre part, que les obligations s’exercent au titre du principe de coopération loyale prévu à l’article 4 TUE. À ces deux égards, les obligations ne peuvent incomber aux juridictions, organes de l’État qui ne sont pas habilités à collaborer avec une institution politique de l’Union.

Par conséquent, la Cour constitutionnelle constate que l’application du point 7 du dispositif de l’arrêt [du 18 mai 2021], en vertu duquel une juridiction est “autorisée à laisser inappliquée, de sa propre autorité, une disposition nationale relevant du champ d’application de la décision 2006/928, qu’elle considère, à la lumière d’un arrêt de la Cour, comme étant contraire à cette décision ou à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE”, n’a pas de fondement dans la Constitution roumaine, puisque, comme indiqué précédemment, l’article 148 de cette dernière consacre la primauté du droit de l’Union sur les dispositions contraires de la législation nationale. Or, les rapports MCV établis au titre de la décision 2006/928, de par leur contenu et leurs effets, tels qu’établis par l’arrêt de la Cour du 18 mai 2021, ne constituent pas des règles de droit de l’Union que le juge doit appliquer en priorité, en écartant la règle nationale. Par conséquent, le juge national ne saurait être amené à décider de l’application prioritaire de recommandations au détriment de la législation nationale, puisque les rapports MCV n’ont pas un caractère normatif et ne sont donc pas susceptibles d’entrer en conflit avec la législation nationale. Cette conclusion s’impose d’autant plus lorsque la juridiction constitutionnelle nationale a constaté que la législation nationale était conforme à la Constitution au regard de l’article 148 de ce texte.

Enfin, la Cour constitutionnelle fait observer que le principe de l’État de droit présuppose la sécurité juridique, à savoir la confiance légitime des destinataires dans les effets des dispositions légales en vigueur et dans la manière dont elles sont appliquées, afin que tout sujet de droit puisse déterminer son comportement. Or, si des juridictions laissaient inappliquées, de leur propre autorité, des dispositions nationales qu’elles jugent contraires au droit de l’Union alors que d’autres appliqueraient les mêmes réglementations nationales en les considérant conformes au droit de l’Union, la norme de prévisibilité de la règle serait fortement affectée, ce qui entraînerait une grave insécurité juridique et, partant, la violation du principe de l’État de droit.

En conclusion, dans la mesure où l’arrêt rendu par la Cour le 18 mai 2021 ne saurait être considéré comme un élément susceptible d’entraîner un revirement jurisprudentiel en ce qui concerne la constatation de l’incidence de la décision 2006/928 sur le contrôle de constitutionnalité et, partant, la violation de l’article 148 de la Constitution, la Cour constitutionnelle rejette comme non fondée l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 88 bis, paragraphes 1 à 5, des articles 88 ter à 88 octies, de l’article 88 nonies, paragraphe 1, sous a) à c) et sous e), et paragraphe 2, ainsi que de l’article 88 decies de la loi no 304/2004. »

Aux termes de l’opinion dissidente jointe à l’arrêt de la Cour constitutionnelle no 390/2021 :

« En substance, l’arrêt du 18 mai 2021 confirme une longue jurisprudence constante antérieure de la Cour et ne fait qu’appliquer le droit de l’Union à la présente affaire afin d’apporter les réponses pertinentes aux questions qui ont été posées.

La Cour a rappelé les dispositions de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE en indiquant que la décision est l’un des actes normatifs de l’ordre juridique de l’Union au moyen desquels les institutions de l’Union exercent les compétences qui leur ont été attribuées et qu’elle est obligatoire dans tous ses éléments. Concrètement, en l’espèce, la Cour a jugé que la décision 2006/928 était entièrement contraignante, y compris les annexes établissant des objectifs de référence pour l’État roumain. De même, dans la mesure où elle est formulée en des termes clairs et précis et où elle n’est assortie d’aucune condition, la décision 2006/928 a également un effet direct. En outre, elle est soumise au régime juridique spécifique du droit de l’Union, à savoir la primauté sur le droit national des États membres, et elle doit produire pleinement ses effets, à savoir empêcher l’adoption ou l’application d’actes normatifs nationaux qui lui seraient contraires. Rien de nouveau jusqu’ici.

Comme tout État membre de l’Union, la Roumanie est tenue d’agir conformément au principe de coopération loyale (article 4, paragraphe 3, TUE) afin de garantir l’application et le respect du droit de l’Union sur son territoire : concrètement, en l’espèce, la Roumanie est tenue de prendre les mesures appropriées pour respecter les objectifs de référence mentionnés dans les annexes de la décision 2006/928 et de s’abstenir de prendre ou d’appliquer toute mesure susceptible de compromettre leur réalisation. Cela concerne également les rapports établis par la Commission sur le fondement de la décision 2006/928, puisque, en vertu de la téléologique propre au droit de l’Union, la Roumanie ne peut adopter ou maintenir en vigueur, dans les domaines couverts par les objectifs de référence susmentionnés, des mesures qui risqueraient de compromettre le résultat qu’ils prescrivent. L’interprétation de la Cour, téléologique et non formaliste, ne constitue pas une nouveauté juridique.

Conformément à l’article 5 TUE, l’organisation de la justice des États membres relève de leur compétence décisionnelle, mais, en vertu de l’article 4 TUE, l’exercice des compétences propres des États membres doit être réalisé de manière à ne pas empêcher l’exercice des compétences propres de l’Union et à ne pas porter atteinte aux valeurs, prévues à l’article 2 TUE, sur lesquelles l’Union est fondée, parmi lesquelles l’État de droit et l’indépendance de la justice jouent un rôle central. En outre, conformément à l’article 19, paragraphe 1, dernière phrase, TUE, les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective des droits conférés aux citoyens de l’Union dans les domaines couverts par le droit de l’Union. Concrètement, en l’espèce, la Roumanie non seulement ne peut ignorer les valeurs visées à l’article 2 TUE, mais doit également soutenir l’Union dans l’accomplissement de ses propres compétences, d’autant plus que le système de compétences de l’Union est complexe, téléologique et évolutif et que l’État de droit et l’indépendance de la justice en Roumanie ont une incidence sur l’Union en ce qui concerne l’interprétation et l’application uniforme du droit de l’Union, la protection juridictionnelle effective des droits conférés aux citoyens de l’Union par le système normatif de l’Union, le principe de confiance mutuelle des juridictions de l’Union et, en dernier lieu mais non des moindres, la possibilité pour les juridictions de saisir la Cour à titre préjudiciel sans que personne ne puisse intervenir [dans leur décision]. Rien de nouveau dans cette application au cas concret des principes généraux du droit de l’Union.

Sur le fondement des mêmes dispositions des traités de l’Union, la Cour a établi que, dans ce cas concret, la création et la mise en fonctionnement au sein du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice d’une section en matière de poursuites pénales (SIIJ) qui détient une compétence exclusive pour enquêter sur les infractions commises par les magistrats relève ratione materiae du champ d’application de la décision 2006/928 et doit, dès lors, respecter l’article 2 TUE, y compris l’exigence de l’État de droit, c’est-à-dire présenter des garanties d’indépendance et d’impartialité permettant d’écarter tout doute légitime quant à l’utilisation des prérogatives et des fonctions dudit organe comme instrument de pression sur l’activité judiciaire ou de contrôle politique de cette activité. À cet égard, la Cour a également précisé un ensemble de critères devant être vérifiés par les juges nationaux devant lesquels des citoyens de l’Union, justiciables en Roumanie, pourraient contester la création de ladite section spécialisée. Rien de nouveau dans cette application au cas concret des principes généraux du droit de l’Union.

Enfin, reprenant sa jurisprudence classique et constante relative au système normatif de l’Union, la Cour a rappelé la signification juridique du principe d’interprétation conforme du droit national, du principe de prééminence du droit [de l’Union], du principe de l’effet direct du droit de l’Union et du principe d’efficacité du droit de l’Union. Ainsi, dans ce cas concret, la Cour est arrivée à la conclusion que, lorsqu’elles tranchent le litige dont elles sont saisies, les juridictions nationales – en leur qualité de juridictions chargées de mettre en oeuvre le droit de l’Union – sont tenues de donner au droit interne, dans toute la mesure du possible, une interprétation conforme aux exigences du droit de l’Union afin d’assurer le plein effet du droit de l’Union et sont autorisées à laisser inappliquée, de leur propre autorité, les dispositions nationales relevant du champ d’application de la décision 2006/928, qu’elles considèrent, à la lumière d’un arrêt de la Cour, comme étant contraires à cette décision ou à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE (voir point 7 du dispositif de l’arrêt de la Cour du 18 mai 2021). Rien de nouveau à cet égard.

Au-delà des positions monistes, dualistes ou pluralistes sur les rapports systémiques entre le droit de l’Union et le droit national des États membres ainsi qu’au-delà des distinctions pouvant être faites entre la primauté de la Constitution dans le cadre de tout système normatif national et la primauté ou la prééminence du droit de l’Union sur toute disposition normative – y compris d’ordre constitutionnel – du droit national des États membres, il convient d’observer, en l’espèce, que l’analyse de la Cour se rapporte au droit de l’Union et l’analyse de la Cour constitutionnelle à la Constitution roumaine. C’est précisément pourquoi la Cour constitutionnelle a agi ultra vires lorsque, alors qu’elle n’était pas saisie par la juridiction, qui a correctement renvoyé l’exception d’inconstitutionnalité à la Cour constitutionnelle et les questions préjudicielles à la Cour, elle s’est lancée dans des appréciations sur la compétence de la juridiction supranationale (voir également arrêt de la Cour constitutionnelle no 137/2019, publié au Monitorul Oficial al României, partie I, no 295 du 17 avril 2019).

L’arrêt de la Cour du 18 mai 2021 aurait pu devenir un argument supplémentaire pour que la juridiction constitutionnelle roumaine effectue un revirement de jurisprudence. Toutefois, il me semble que le revirement jurisprudentiel aurait dû intervenir même indépendamment de l’arrêt de la Cour, sur le fondement d’un réexamen attentif des dispositions de la Constitution relatives à l’État de droit, au principe de légalité et de primauté de la Constitution, au principe d’égalité des citoyens devant la loi ainsi que des dispositions relatives aux obligations incombant à la Roumanie en tant qu’État membre de l’Union européenne, ainsi je l’ai indiqué précédemment, dans les opinions dissidentes jointes aux arrêts no 33/2018 et no 547/2020.

Ajoutons que l’article 148 de la Constitution roumaine impose – en tant que règle juridique contraignante, tout comme, d’ailleurs, l’ensemble des règles de la Constitution – le respect de la primauté du droit de l’Union sur les dispositions contraires du droit national et oblige toutes les autorités publiques roumaines, en énumérant expressis verbis « [l]e Parlement, le Président de la Roumanie, le gouvernement et l’autorité judiciaire », à garantir le respect des obligations résultant de l’acte d’adhésion et de la primauté du droit de l’Union sur le droit national.

En codifiant en 2003 la jurisprudence de la Cour relative à la primauté du droit de l’Union, la Constitution s’est démarquée des autres constitutions des États membres de l’Union, dont aucune ne contient une réglementation semblable. Par conséquent, c’est la volonté du constituant roumain qui impose à toutes les autorités publiques roumaines la primauté systématique du droit de l’Union sur les dispositions du droit national contraires, en tant qu’obligation juridique nationale doublant celle établie par la jurisprudence constante de la Cour au niveau supranational. Il s’agit là d’une primauté systématique et non élective, ainsi qu’il résulte également de la comparaison entre l’article 20 et l’article 148 de la Constitution : alors que, s’agissant des droits fondamentaux, en cas de d’incohérence entre les dispositions nationales et internationales, le pouvoir constituant dérivé a fait application de la lex mitior, dans le second cas, il a donné priorité exclusive au droit de l’Union. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une contradiction entre la Constitution et le contenu normatif de la décision 2006/928, mais à analyser la conformité de dispositions de la loi no 304/2004 avec des règles de référence constitutionnelles relatives à l’État de droit, à l’égalité et à la légalité en ce qui concerne la Cour constitutionnelle roumaine et avec des dispositions claires, inconditionnelles et produisant des effets juridiques relatives à l’État de droit et à l’indépendance de la justice du droit de l’Union en ce qui concerne la Cour de justice de l’Union européenne et les juridictions. La primauté du droit de l’Union dans une telle situation découle tant des caractéristiques propres du droit de l’Union que des dispositions de l’article 148 de la Constitution roumaine. Elle peut et doit être constatée par toute autorité publique nationale (juridiction ou administration publique) qui serait appelée à appliquer à une situation concrète les dispositions litigieuses de la loi no 304/2004 et les règles de la décision 2006/928.

La primauté présuppose d’interpréter, dans la mesure du possible, le droit national conformément au droit de l’Union et, à titre subsidiaire, lorsque l’interprétation conforme n’est pas possible, d’écarter l’application du droit national contraire à celui de l’Union. L’application peut être écartée, d’office, tant par les juridictions que par les autorités administratives, lorsqu’elles doivent mettre en oeuvre simultanément des règles de droit national et de droit de l’Union et qu’elle constate des contradictions entre les deux. Cela ne signifie pas d’abroger ou d’invalider le droit national contraire, car l’administration publique ou les juridictions n’adoptent pas et n’abrogent pas des règles juridiques, mais uniquement de comparer le contenu normatif de ces deux règles juridiques figurant dans des systèmes normatifs différents et de choisir celle qui s’appliquera dans le cas concret. L’abrogation des règles nationales contraires au droit de l’Union ne peut être faite que par le législateur, l’invalidation des règles nationales contraires au droit de l’Union pouvant être faite par la juridiction constitutionnelle. Toutefois, si le législateur national ou le juge constitutionnel ne peuvent pas agir ou n’agissent pas, l’article 148 de la Constitution oblige les autorités publiques nationales (y compris – ou surtout – les juridictions) à invariablement appliquer prioritairement le droit de l’Union.

Enfin, en obligeant toutes les autorités publiques, y compris l’autorité judiciaire, à garantir le respect des obligations assumées par l’État roumain de par son adhésion à l’Union européenne, le pouvoir constituant dérivé a assuré une protection juridique efficace des droits de l’ensemble des citoyens de l’Union. En dernier lieu, ce sont les citoyens de l’Union qui demandent aux administrations publiques ou aux juridictions le respect, la protection et la garantie, y compris sur le plan juridictionnel, des droits subjectifs qui leur ont été conférés par le système normatif de l’Union et ils peuvent le faire dans tout État membre de l’Union relativement à tout système normatif national. Dès lors, les juridictions de tout État membre de l’Union ont le “pouvoir et le devoir” [pour citer le titre d’un célèbre article de doctrine qui a accompagné, en 1912, la première décision judiciaire par laquelle la deuxième chambre du Tribunalul Ilfov (tribunal de grande instance d’Ilfov, Roumanie) a procédé au contrôle de la constitutionnalité des lois en Roumanie, en l’absence de toute réglementation en la matière (voir Gaston Jèze, “Pouvoir et devoir des tribunaux en général et des tribunaux roumains en particulier” dans “Revue de droit public et Science politique en France et à l’étranger”, 1912, tome XIX, pages 140 et suivantes)] de laisser inappliquée, de leur propre autorité, toute disposition nationale contraire au droit de l’Union. Par conséquent, dans le schéma de pensée propre à l’intégration européenne, toute tentative d’autarcie juridique demeure illusoire. »

Le juge des droits et libertés considère que les questions posées ont un lien direct avec la résolution de la présente affaire, l’équité de la procédure, en ce qui concerne la durée raisonnable, étant en lien direct avec l’exercice de poursuites pénales par une structure du parquet relativement à laquelle la Cour a constaté, aux points 221 et 222 de l’arrêt [du 18 mai 2021], que, « s’agissant des droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, il importe, notamment, que les règles régissant l’organisation et le fonctionnement d’une section spécialisée du ministère public, telle que la SIIJ, soient conçues de manière à ne pas empêcher que la cause des juges et des procureurs concernés puisse être entendue dans un délai raisonnable.

Or, sous réserve de vérification par les juridictions de renvoi, il ressort des indications fournies par celles-ci que tel pourrait ne pas être le cas de la SIIJ, notamment par l’effet conjugué du nombre apparemment considérablement réduit de procureurs assignés à cette section, lesquels ne disposeraient en outre ni des moyens ni de l’expertise nécessaires pour mener des enquêtes dans des affaires complexes de corruption, et de la surcharge de travail découlant pour ces procureurs du transfert de telles affaires depuis les sections compétentes pour traiter celles-ci. »

L’essence du problème ayant donné lieu en l’espèce à la saisine de la Cour consiste à savoir si, lors de l’examen de l’affaire au regard de la durée raisonnable et de la résolution de la contestation formée par le requérant (que celle-ci soit accueillie ou rejetée), eu égard à l’interprétation donnée par la Cour constitutionnelle dans l’arrêt [no 390/2021], le juge des droits et libertés peut, conformément à l’arrêt de la Cour du 18 mai 2021, examiner les dispositions relatives à la création et au fonctionnement de la SIIJ afin de déterminer si elles sont contraires à l’article 2 et à l’article 19, [paragraphe 1] deuxième alinéa, TUE ainsi qu’à la décision 2006/928.

Considérant qu’il s’agit d’éléments faisant apparaître des difficultés d’interprétation du cadre juridique précédemment exposé, eu égard aux dispositions de l’article 148, paragraphe 2, de la Constitution roumaine, telles qu’interprétées par la Cour constitutionnelle, dans l’arrêt no 390/2021, à l’arrêt de la Cour du 18 mai 2021, au conflit entre ces deux arrêts, mais également compte tenu du risque d’une procédure d’infraction à l’encontre de l’État roumain, le juge des droits et libertés constate qu’il convient de saisir à nouveau la Cour et de lui poser la première question.

Quant à la deuxième question, le juge des droits et libertés constate qu’il est à présent appelé à choisir entre l’application du droit de l’Union conformément à l’arrêt du 18 mai 2021 et l’application de l’arrêt no 390/2021 de la Cour constitutionnelle.

Si le juge choisissait d’appliquer l’arrêt de la Cour et d’écarter l’application de l’arrêt no 390/2021 de la Cour constitutionnelle, il s’exposerait à une procédure disciplinaire, conformément à l’article 99, sous ș), de la loi no 303/2004, car le non-respect de l’arrêt de la Cour constitutionnelle constitue une faute disciplinaire.

Eu égard au cadre factuel et juridique exposé, la juridiction de renvoi, donnant effet à l’arrêt de la Cour du 18 mai 2021, peut considérer que la Cour constitutionnelle s’est substituée à elle dans ses compétences, compte tenu également des opinions dissidentes des juges constitutionnels (jointes à l’arrêt no 390/2021). Cependant, pour pouvoir trancher l’affaire en donnant ou non effet aux arrêts de la juridiction constitutionnelle, il est nécessaire que la Cour se prononce, sous peine que la liberté décisionnelle soit affectée par une cause extérieure à l’exercice de la justice et suffisamment grave, à savoir la sanction disciplinaire du magistrat.

L’intérêt de la deuxième question se pose également au regard [du] risque que, au cours de la procédure disciplinaire, le juge national soit suspendu de ses fonctions, ce qui est de nature à affecter l’indépendance dans sa prise de décision.

Le juge des droits et libertés retient que, dans l’arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C-64/16, EU:C:2018:117), la Cour a constaté :

[«] La garantie d’indépendance, qui est inhérente à la mission de juger (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2006, Wilson, C-506/04, EU:C:2006:587, point 49 ; du 14 juin 2017, Online Games e.a., C-685/15, EU:C:2017:452, point 60, ainsi que du 13 décembre 2017, El Hassani, C-403/16, EU:C:2017:960, point 40), s’impose non seulement au niveau de l’Union, pour les juges de l’Union et les avocats généraux de la Cour, ainsi que le prévoit l’article 19, paragraphe 2, troisième alinéa, TUE, mais également au niveau des États membres, pour les juridictions nationales.

L’indépendance des juridictions nationales est, en particulier, essentielle au bon fonctionnement du système de coopération judiciaire qu’incarne le mécanisme de renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, en ce que ce mécanisme ne peut être activé que par une instance, chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui répond, notamment, à ce critère d’indépendance.

La notion d’indépendance suppose, notamment, que l’instance concernée exerce ses fonctions juridictionnelles en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, et qu’elle soit ainsi protégée d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2006, Wilson, C-506/04, EU:C:2006:587, point 51, ainsi que du 16 février 2017, Margarit Panicello, C-503/15, EU:C:2017:126, point 37 et jurisprudence citée). [»]

[« L]’exigence d’indépendance des juges relève du contenu essentiel du droit fondamental à un procès équitable, lequel revêt une importance cardinale en tant que garant de la protection de l’ensemble des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union et de la préservation des valeurs communes aux États membres énoncées à l’article 2 TUE, notamment, de la valeur de l’État de droit [»] [voir arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C-216/18 PPU, EU:C:2018:586, point 48)].

Le juge des droits et libertés considère que les dispositions de l’article 99, sous ș), de la loi no 303/2004, permettant d’ouvrir une procédure disciplinaire et de sanctionner pénalement le juge pour non-respect d’un arrêt de la Cour constitutionnelle, alors que le juge est appelé à établir la primauté du droit de l’Union sur les motifs d’un arrêt de la Cour constitutionnelle, disposition nationale qui prive le juge de la possibilité d’appliquer l’arrêt de la Cour qu’il estime prioritaire, [sont contraires à la] norme d’indépendance consacrée à l’article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 2 TUE et avec l’article 47 de la Charte, ainsi qu’à la jurisprudence en la matière.

La Cour constitutionnelle subordonne l’application des règles du droit de l’Union en droit roumain à la satisfaction de conditions supplémentaires et contraires à la jurisprudence de la Cour, telle que l’exigence que les règles de droit de l’Union « comblent une lacune de la Constitution » (point 49), et attire l’attention de la juridiction de renvoi sur le fait qu’elle n’est pas habilitée à laisser inappliquées les règles juridiques nationales contraires au droit de l’Union.

La Cour constitutionnelle se réserve des compétences uniques d’application du droit de l’Union, bien qu’elle ne soit pas une juridiction supérieure à la cour d’appel et que les juges de droit commun soient les premiers juges de droit de l’Union. La Cour constitutionnelle ne dispose d’aucun mécanisme reconnu dans le droit de l’Union lui permettant d’intervenir pour corriger, invalider ou confirmer l’application du droit de l’Union par les juges des juridictions ordinaires de Roumanie.

S’agissant de la troisième question, au regard de l’objet de l’affaire pendante devant le juge des droits et libertés, il est constaté que le requérant a saisi le juge national d’un recours relatif à la violation de la durée raisonnable des poursuites pénales.

En outre, dans le cadre de ladite contestation, le requérant précise que, bien qu’il ait introduit plusieurs demandes auprès de la SIIJ pour se voir communiquer le numéro du dossier, pendant plus d’un an, il n’a reçu aucune réponse de cette branche du parquet.

Dans son arrêt no 640 du 17 octobre 2017, la Cour constitutionnelle a retenu que la procédure spéciale régie par les dispositions des articles 488 bis et suivants du code de procédure pénale, relatifs à la contestation concernant la durée de la procédure pénale, constitue une garantie du règlement des affaires pénales dans un délai raisonnable et, ainsi, du respect du droit à un procès équitable, prévu à l’article 6 de la [convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH »)] et à l’article 21, paragraphe 3, de la Constitution, droit fondamental qui est également réglementé à l’article 8 du code de procédure pénale en tant que principe d’application du droit procédural pénal, disposition légale qui constitue une application de la règle constitutionnelle susmentionnée.

Le législateur a également prévu la procédure de contestation relative à la durée de la procédure pénale, en application de l’article 13 de la [CEDH], en tant que recours effectif susceptible d’être exercé contre la prolongation injustifiée des étapes de la procédure pénale, lorsque de tels retards sont de nature à porter atteinte aux droits fondamentaux des parties.

Lors du contrôle de la durée raisonnable de la procédure, le juge des droits et libertés devrait [pouvoir] examiner toutes les circonstances de l’affaire ayant conduit à la durée des poursuites pénales considérée par le requérant comme étant déraisonnable, y compris les actes normatifs régissant l’activité de la SIIJ, la charge de travail de la section par rapport au nombre de procureurs, le pourcentage de règlement des affaires, la conformité du fonctionnement de la SIIJ au regard de l’arrêt du 18 mai 2021, afin d’établir si, eu égard au cadre légal actuel et à sa composition actuelle, la section est justifiée par des impératifs objectifs et vérifiables tirés de la bonne administration de la justice et si elle est en mesure d’effectuer les poursuites pénales dans le respect du droit de toute personne à un procès équitable, y compris en ce qui concerne la durée de la procédure.

En outre, le juge national devrait [pouvoir] décider, au moment de statuer sur l’affaire, si le dossier peut être restitué, en vue de continuer les poursuites pénales, à une branche du parquet dont il pourrait estimer, au regard des critères fixés par la Cour dans l’arrêt du 18 mai 2021, que le fonctionnement est contraire au droit de l’Union.

Conformément à l’article 488 sexies, paragraphe 1, sous f), du code de procédure pénale, lors de l’appréciation du caractère raisonnable de la procédure, le juge prend également en considération le comportement des autres participants à l’affaire, y compris des autorités impliquées.

Lors de son analyse du comportement de la SIIJ et au regard des considérations exposées par la Cour dans l’arrêt du 18 mai 2021, le juge devrait [pouvoir] vérifier si le nombre des procureurs actuellement employés au sein de cette section ainsi que le nombre d’officiers de police judiciaire détachés auprès d’elle sont ou non appropriés par rapport au nombre de cas sur lesquels la section a été chargée d’enquêter.

Il conviendrait également de [pouvoir] vérifier les rapports d’activité de la section relatifs aux affaires pendantes et au nombre d’affaires résolues, afin d’analyser si la SIIJ a la capacité d’examiner les affaires dans un délai raisonnable.

L’analyse du comportement des autorités impliquées est également nécessaire au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En matière pénale, ce qui doit avant tout être évité est une longue période d’inactivité d’une juridiction donnée (en ce sens, Cour EDH, 10 juillet 1984, Guincho c. Portugal, CE:ECHR:1984:0710JUD000899080), étant donné que de telles situations ne sauraient d’aucune manière être justifiées au regard de la [CEDH].

Toutefois, le processus délibératif du juge au regard de tous les éléments indiqués ci-dessus est affecté par l’arrêt no 390/2021, dans lequel la Cour constitutionnelle a jugé qu’« une juridiction nationale n’est pas habilitée à examiner la conformité au droit de l’Union d’une disposition du droit national qui a été jugée constitutionnelle au regard de l’article 148 de la Constitution ».

Par ailleurs, il ressort des informations parues dans la presse que l’Inspecția Judiciară (inspection judiciaire, Roumanie) a ouvert une enquête disciplinaire à l’encontre d’un juge national qui avait tranché une affaire ayant pour objet une contestation relative à la durée d’une procédure, au motif d’une prétendue faute disciplinaire consistant en l’exercice de ses fonctions de mauvaise foi ou avec négligence grave.

Après avoir consulté les informations figurant dans la presse ainsi que le portail de la Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești, Roumanie), il s’avère que, dans l’affaire no 722/46/2021 dont la juridiction précitée a été saisie, le juge national a statué comme suit : « En vertu de l’article 2 et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de la décision 2006/928 et de l’arrêt du 18 mai 2021, constate que la [SIIJ] n’est pas justifiée par des impératifs objectifs et vérifiables tirés de la bonne administration de la justice et n’est pas assortie de garanties spécifiques permettant, d’une part, d’écarter tout risque que cette section soit utilisée comme un instrument de contrôle politique de l’activité de ces juges et procureurs susceptible de porter atteinte à leur indépendance et, d’autre part, d’assurer que cette compétence puisse être exercée à l’égard de ces derniers dans le plein respect des exigences découlant des articles 47 et 48 de la Charte.

En vertu de l’article 488 septies du code de procédure pénale, fait droit à la contestation formée par Asociația Proprietarilor Păgubiți Oarja 2000 et fixe comme délai dans lequel le procureur doit résoudre l’affaire le 18 janvier 2022.

En vertu de l’article 2 et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, de la décision 2006/928 et de l’arrêt du 18 mai 2021, le procureur doit décliner sa compétence pour connaître de l’affaire et la compétence sera déterminée en excluant les dispositions de l’article 88 bis de la loi no 304/2004 ».

En outre, conformément aux informations disponibles dans les médias 1, « le juge national est accusé par l’inspection judiciaire d’exercer ses fonctions de mauvaise foi ou avec négligence grave au motif qu’il n’a pas strictement analysé la plainte relative à la trop longue durée des investigations dans le cadre d’une procédure, mais s’est permis de dire que l’affaire devait être renvoyée au parquet compétent, la SIIJ étant une branche du parquet contraire au droit de l’Union ».

1 https://presshub.ro/judecatorul-care-a-spulberat-siij-cercetat-disciplinar-de-un-inspector-fara-atributii-legale-188727/

Dans un communiqué de presse, l’inspection judiciaire a précisé que « la saisine d’office concernant le juge de la cour d’appel de Pitești (cour d’appel de Pitești) vise non pas l’interprétation de l’arrêt du 18 mai 2021, mais le respect des règles de procédure applicables à la contestation relative à la durée de la procédure, objet de l’affaire no 722/46/2021 ».

Il ressort cependant du même article de presse que, dans le dossier disciplinaire qui a été constitué, l’inspecteur judiciaire a retenu que « [l]e magistrat reprend d’autres considérations de la Cour, auxquelles il attribue la signification claire de l’incompatibilité de la législation nationale portant création de la SIIJ avec les dispositions du TUE et de la décision 2006/928, et estime, par conséquent, qu’il convient d’écarter l’application des dispositions de l’article 88 de la loi 304/2004 » et que, « pour justifier la solution retenue, le magistrat a invoqué l’arrêt de la Cour, estimant que celle-ci aurait jugé sans ambiguïté que les dispositions qui régissent la création et le fonctionnement de la SIIJ sont contraires à l’article 2 et à l’article 19, deuxième alinéa, TUE ainsi qu’à la décision 2006/928 ».

Dans ces conditions, le juge national se demande si cette pratique judiciaire, consistant en l’ouverture de poursuites disciplinaires à l’encontre d’un juge qui, saisi d’une contestation de la durée de la procédure pénale, a considéré, en vertu de l’arrêt du 18 mai 2021, que les dispositions nationales relatives à la SIIJ étaient contraires au droit de l’Union et a écarté leur application, est contraire au principe d’indépendance des juges, consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu en combinaison avec l’article 2 TUE et l’article 47 de la Charte.

La justification de la demande d’appliquer la procédure préjudicielle d’urgence et, à titre subsidiaire, la procédure accélérée

La juridiction de renvoi demande à la Cour d’appliquer les dispositions de son règlement de procédure relatives à la procédure préjudicielle d’urgence ou, à titre subsidiaire, la procédure accélérée prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour et à l’article 133 du règlement de procédure de la Cour.

Une telle procédure est justifiée par le fait que des poursuites disciplinaires ont été ouvertes en raison de l’application du droit de l’Union, à savoir l’arrêt du 18 mai 2021 ; il s’agit d’une atteinte grave à l’indépendance des juridictions et à la stabilité du système judiciaire.

Les incertitudes liées aux dispositions nationales litigieuses sont également susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du système de coopération judiciaire constitué par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, clef de voûte du système juridictionnel de l’Union, pour lequel l’indépendance des juridictions nationales, et notamment celle des juridictions statuant en dernier ressort, est essentielle [voir, en ce sens, avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du 18 décembre 2014 (EU:C:2014:2454, point 176) ; arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C-64/16, EU:C:2018:117, point 43), et ordonnance du président de la Cour du 26 septembre 2018, Zakład Ubezpieczeń Społecznych (C-522/18, non publiée, EU:C:2018:786, point 15)].

Eu égard aux considérations qui précèdent, en vertu de l’article 19, paragraphe 3, sous b), TUE, lu en combinaison avec l’article 267 TFUE, le juge national saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’une demande de décision préjudicielle (en procédure d’urgence) portant sur les questions suivantes :

[réitération des questions préjudicielles]

[signatures]

Source: https://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=roumanie&docid=245386&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=2813511

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